ÉDITORIAL

 

A l'occasion du discours prononcé devant l'université d'été d'Hourtin [1], le Premier Ministre déclarait notamment : "Nombreux sont les enseignants qui utilisent, depuis longtemps déjà, les technologies de l'information. Il faut à présent, en s'appuyant sur ces compétences multiples, généraliser cette pratique...". Lors de la présentation du plan pour l'intégration dans le système éducatif de l'Informatique et des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication, Claude Allègre et Ségolène Royal [2] réaffirmaient clairement la nécessité de faire largement connaître les usages pédagogiques innovants et de les favoriser. L'ensemble de ces déclarations, au-delà d'un écho médiatique important, avait suscité beaucoup d'espoir et pour ce qui concerne l'EPI la satisfaction de voir les idées défendues depuis plus de 25 ans enfin prises en compte.

En dépit des hésitations, des lenteurs et des freins institutionnels pour la mise en place de nouvelles structures encourageant à l'usage des NTIC, sur le terrain la situation évolue. Certes nous sommes encore loin de la généralisation souhaitée mais dans les académies de nombreuses expériences se développent, sous l'impulsion de l'habituel "noyau dur" des pionniers en la matière mais aussi avec le concours de nouveaux enseignants acquis aux méthodes innovantes.

Ainsi des voies sont tracées. Ce ne sont plus des expérimentations mais des pratiques en vraie grandeur qui ont fait leur preuve. Faire connaître les réalisations particulièrement exemplaires, la Revue de l'EPI s'y emploie depuis de longues années avec très prochainement le relais du Web Epi pour atteindre plus efficacement celles et ceux déjà présents sur le réseau. Une fois de plus, dans ce numéro, nous donnons la parole à des collègues comme en témoignent les articles et présentations d'expériences réussies : créations de sites Web ou de cédéroms sur des thèmes choisis avec et par les élèves : actualité, problèmes de société, préoccupations des jeunes. Par exemple, à l'occasion de l'exposition universelle de Lisbonne, sur la citoyenneté, sur l'abolition de l'esclavage, la violence ou encore sur le thème fédérateur et universel de l'eau. A chaque fois il s'agit d'un travail impliquant fortement des élèves acteurs et créateurs, donc motivés. La motivation, chacun le sait, est devenue une denrée rare alors qu'elle reste la condition première de tout apprentissage. Dans ce domaine ne négligeons pas l'apport de l'Informatique et des NTIC dont l'usage raisonné favorise le travail de groupe et d'échange, la mutualisation de savoirs et savoir-faire, la pluridisciplinarité, l'ouverture sur le monde extérieur, l'éducation à la citoyenneté... Ce qu'il y a de remarquable dans toutes ces réalisations, outre leur intérêt pédagogique et leur qualité qui leur vaut d'être primées dans des concours français ou européens, c'est qu'elles n'ont pas nécessité l'emploi de logiciels fort coûteux. En effet, au cas présent, les outils utilisés pour leur conception sont des logiciels issus du domaine public, gratuits (freeware) ou presque (shareware à contribution modeste quant elle n'est pas symbolique) [3], ou encore des produits du secteur commercial à des prix très abordables, adaptés aux besoins, simples d'utilisation et n'exigeant pas de grosses configurations. Ceci pose d'une façon plus générale la question des solutions alternatives et des logiciels libres dont il faudra débattre, surtout au moment où la question du financement des NTIC à l'école est l'objet de discussions, parfois vives comme au Sénat dernièrement. Sur ce point et, à l'heure où nous écrivons ces lignes, nous n'avons pas de précisions sur les mesures que Claude Allègre doit annoncer, son intervention initialement prévue au Conseil des Ministres de ce jour ayant été repoussée d'une semaine.

La préoccupation de l'EPI est de faire profiter le maximum d'enseignants - et donc d'élèves - des apports de l'informatique et des NTIC en les intégrant harmonieusement dans la culture générale de chacun. Cela nécessite un certain nombre de conditions, que nous avons déjà largement développées, parmi lesquelles la définition d'une politique que le discours d'Hourtin, diverses déclarations ou prises de position semblaient annoncer mais qui, comme nous l'avons dit, tarde à se concrétiser notamment pour ce qui concerne la formation des enseignants que tout le monde s'accorde à reconnaître comme urgente et prioritaire. Si l'on peut attendre de la fusion des MAFPEN et des IUFM une intégration des NTIC dans la formation initiale il n'en ira pas de même pour la formation continue par manque de formateurs. Une première mesure pourrait, par exemple, consister à recenser les enseignants ayant acquis des compétences fortes dans le domaine et la pratique des NTIC (souvent en s'équipant à leurs frais et en s'auto-formant sur leur temps libre), leur accorder une reconnaissance institutionnelle, solliciter leur collaboration dans les processus d'information et de formation au sein de leur établissemnent en leur attribuant des moyens horaires et matériels. Ils pourraient ainsi faire profiter leurs collègues de leur expérience et de les aider, en situation, à intégrer ces nouveaux outils dans leur stratégie pédagogique, de donner un sens et une réalité concrète au discours officiel prônant la formation dite "sur le tas" ou par "contagion".

Nous pensons qu'il convient sans tarder de donner un nouvel élan au plan d'intégration des NTIC à l'École en prenant maintenant des mesures pour la mise en place dès la rentrée prochaine d'actions impliquant les équipes éducatives dans chaque établissement. C'est, dans un premier temps, le moins que l'on puisse faire compte tenu des enjeux.

Jean-Bernard VIAUD

Président de l'EPI

Paris le 3 juin 1998

 
Paru dans la Revue de l'EPI n° 90 de Juin 1998.
 

NOTES

[1] Le 25 août 1997, texte disponible : http://www.premierministre.gouv.fr/pm

[2] Le 17 novembre 1997, texte disponible : http://www.éducation.gouv.fr/actu/techno.htm

[3] Certains sont d'ailleurs proposés dans la Bourse de diffusion de l'EPI.

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(10 avril 2000)