Jean-Marie BALL
Lauteur de cet article est également celui du logiciel. Mon propos nest donc pas de prétendre ici à ce qui est par définition hors de ma portée : un regard neutre et objectif. Je mefforcerai plutôt dexposer quelles peuvent être les motivations et les objectifs dun travail décriture logicielle comme celui-ci.
Professeur de lettres, lorsque jai rencontré linformatique au bon vieux temps du LSE finissant. La machine mest apparue alors plus séduisante comme moyen dexpression que comme outil de calcul et prendre la parole face à une machine, cela passait à lépoque nécessairement par la programmation dont le vice mest resté. Ce vice nétouffe pas nécessairement le souci pédagogique.
Comment est né Polygraphe
Formateur en informatique jassistais un jour à un cours de Latin dans lequel un collègue enseignait le Latin au moyen dun traitement de textes et dune tablette de rétroprojection. Il jonglait (et faisait jongler ses élèves) de fichier en fichier, passant dun texte dauteur à des notes des vocabulaires des fiches de grammaire ou de civilisation. Tout semblait déjà trés efficace. Il ma semblé alors quil devait être possible de créer une application rassemblant toutes ces données autour dun éditeur de texte économisant ainsi les temps de manipulation. Ce qui fut fait. Par la suite il apparut quil était possible, au lieu dafficher un fichier dans son intégralité, de ne sélectionner à partir dun mot donné que la note pertinente et de la présenter dans une petite fenêtre en surimpression. Il ne restait plus alors quà mettre une note dans la note pour entrer dans le monde de lhypertexte. Cest ce que fit un peu plus tard la première version de Polygraphe.
Dans cette première étape, lutilisation pédagogique préexistait, il nétait que de la faciliter. Par contre, avec la première version de Polygraphe le pari était pris que les applications pédagogiques suivraient. " accompagneraient " serait le terme plus exact. Après un trimestre de travail pendant lequel le logiciel changeait chaque semaine tandis que sébauchaient nos premiers hypertextes pédagogiques la première utilisation en cours eut lieu. Avec suffisamment de succès pour que les collègues impliqués alors, rejoints par dautres, continuent à travailler et à produire et que pour jaie toujours sur le feu une ième version de Polygraphe essayant de répondre à de nouveaux besoins. Comme ont le voit Polygraphe doit tout aux collègues de lettres ou dautres disciplines qui, en lutilisant, lon amené à évoluer peu à peu pour en faire produit meilleur et vivant.
Quelques étapes de cette progression : tout dabord les collègues de la vidéo qui découvrent que Polygraphe Dos est un bon outil pour gérer le Vidéo disque tout en développant en parallèle un commentaire hypertextuel. Plus tard lorsque la version Windows a permis de gérer les images des collègues de Physique, de Sciences-Nat, des Linguistes aussi ont été intéressés et ont souhaité dautres modifications comme la gestion de scores ou de permettre à lélève de senregistrer.
Comment se présente Polygraphe et comment développe-t-on avec ?
Polygraphe est un générateur/exécuteur dhypertextes. Cest à dire quil permet de créer en utilisant et dutiliser en créant. Exactement comme une personne qui rédige lit en même temps quelle écrit. Ce point ma paru important car cest à ce prix que la machine peut vraiment être un outil pour créer. Cest avec la glaise que travaille le sculpteur, une fois le bronze coulé tout est fini. Il existe à côté un exécuteur seul qui permet de faire utiliser les applications par les élèves sans risque de les voir modifiées et qui vous permet également de distribuer gratuitement les applications que vous avez créées à qui vous voulez.
Concrètement cela veut dire que lon donne un nom à lhypertexte et le voilà créé. Le tiroir " racine " nous présente sa belle page blanche. Posons un bouton donnons lui pour " efficace " douvrir un nouveau tiroir. Nous voilà dans ce nouveau tiroir. Colorions, illustrons, redimensionnons, mettons un texte de fond dans lequel nous repérerons quelques hypermots. Donnons comme efficace à ces hypermots douvrir de nouveaux tiroirs et ainsi de suite. On senfonce dans larborescence hypertextuelle en même temps quon la construit tout comme on poursuivrait lécriture des paragraphes dune écriture classique.
Ce désir de confondre création et utilisation a induit quelques choix ergonomiques, notamment parce quil impose de disposer à la création de toute la surface de lécran tel quil doit pouvoir apparaître dans lexécuteur. Cest la raison pour laquelle dialogue avec le logiciel se fait soit par une barre doutils superposée à la barre de titre de la fenêtre, soit par le biais de menus contextuels.
Dans lécran ci dessus vous pouvez remarquer la barre doutils placée sur la barre de titre avec sur sa droite le nom du tiroir actif. Un menu contextuel a été appelé sur un bouton en relief sur lequel est écrit " lecture ". Ce menu va permettre de donner au bouton lefficace de faire entendre une plage précise dun fichier .wav correspondant à la récitation chantée des quelques vers grecs affichés a gauche. Ces quelques vers grecs constituent un texte de fond dans lequel ont été repérés des hypermots. En cliquant dessus on verrait apparaître des commentaires grammaticaux. Le reste de lécran contient des boutons en deux dimensions (par opposition au bouton en relief) ainsi que des boutons images. Le bouton image en bas à gauche est ici utilisé comme symbole, en cliquant dessus nous irions plus loin dans la traduction.
Cet écran me paraît une bonne illustration de ce que permet lhypertexte : ici rassembler et progresser dans trois textes parallèles, un en grec un en latin, un en français, proposer un commentaire lexical ou grammatical aidant à la compréhension, - et de ce que permet le multimédia : proposer une illustration picturale et sonore qui aide ressentir le texte non pas comme un simple exercice intellectuel de décodage mais comme le lieu où sexprime une sensibilité. Les instructions recommandent de ne pas déconnecter létude de la langue et de la civilisation ici loin dêtre déconnectées elles se confortent réciproquement.
Accessoirement cet écran montre aussi quen évoquant la créativité des enseignants on névoque pas un passe temps salubre destiné leur permettre se familiariser avec une machine à la mode, mais une réflexion pédagogique et une réflexion sur lécriture hypertextuelle indissociables lune de lautre.
Quels genre de produits développe-t-on avec Polygraphe ?
Sans quelles soient nettement tranchées je distinguerai trois catégories.
Lhypertexte au jour le jour
Cest celui quon crée peut être pour une seule fois, pour un corrigé, un exercice. Resté dans un coin du disque dur il sera peut-être appelé à être repris pour intégrer la catégorie supérieure.
Voici un exemple dhypertexte très simple réalisé en quelques minutes.
A gauche un texte à résumer. En bas à droite un Éditeur dans lequel lélève est invité à écrire son résumé. La taille de léditeur donne la mesure du résumé à produire. Dans le quart supérieur droit trois boutons donnent accès aux directives que lélève doit respecter. Ici on a cliqué sur le premier bouton et la directive correspondante sest affichée.
Intérêt par rapport au traitement de texte. La place du texte à résumé est celle du résumé sont bien assignées. Les directives à suivre sont disponibles une par une. (Plus efficace quune liste).
Intérêt par rapport au papier. Possibilité décriture et réécriture du résumé sans ratures, mais surtout, en site informatique, possibilité en passant de poste en poste de voir le texte sécrire et se composer (impossible sur un papier à plat) ce qui permet de mieux comprendre ce qui se passe. De renvoyer dun simple clic lélève a tel ou tel aspect à reprendre et donc de conserver plus de temps pour une aide individualisée
Inconvénient par rapport au papier. Il est très facile denregistrer le travail de lélève mais une utilisation vraiment confortable nécessiterait une installation en réseau qui ne se rencontre encore pas souvent.
Développement possible : on pourrait avec quelques hypermots, introduire des éléments dexplications du texte, des questionnements qui aideraient ensuite lélève dans sa tâche. Mais le contexte dutilisation changerait alors.
Le support de cours
Utilisé avec tablette de rétroprojection. Lhypertexte devient alors un supertableau.
Le plus souvent on alternera une phase de questionnement dont les éléments seront bien mis en évidence et des écrans permettant de récapituler les acquis. Certains types dexercices utilisés en site informatique pourront aussi trouver leur place en classe complète. A éviter, lenchaînement décrans assénant des notions abstraites. Prévoir de mettre un élève au clavier pour éviter dutiliser la machine comme un rouleau compresseur. Prévoir aussi ce qui autour de la machine sera géré au moyen de la craie, du feutre, et plus encore de la salive.
Que deviennent ces productions ?
Certains collègues produisent ainsi depuis des années. Ils ont donc bien maîtrisé tous ces aspects du problème.
Une faible partie de ces productions à connu une diffusion publique. Le plus souvent il sagit encore dapplications sous Polygraphe DOS. Certaines font partie des disquettes diffusées par lEPI. Dautres accompagnent une parution du CRDP de Montpellier.
Certaines applications réalisées dans un premier temps sous Polygraphe ont été ensuite réécrites pour devenir des logiciels indépendants et ont pu ainsi développer de nouvelles fonctionnalités.
Il est dommage de travailler chacun de son côté alors quil est souvent si simple de reprendre une application et de corriger quelques éléments pour ladapter à une nouvelle situation. Je le sais bien pour pratiquer cela constamment avec mes élèves. Polygraphe a été conçu pour cela et aussi pour permettre une distribution libre et gratuite des applications. Peut-être Internet permettra-t-il des avancées dans ce domaine.
Les applications de type " Cédérom "
Lhypertexte nest plus centré sur une séance, il est trop vaste, et sil est utilisé en cours ce sera ni systématiquement ni de façon exhaustive. Il devient plutôt une uvre centrée autour dun thème. Des applications importantes ont été réalisées sur " Sappho ", " Du Bellay ", " Verlaine " certaines ont été gravées comme " Le Paris au 19ème siècle " et " Les jeux Olympiques dans lAntiquité Grecque " par Michel Tichit de lacadémie de Rouen. Bien entendu ces applications pour remarquables quelles soient sont restées dutilisation strictement privées tant il vrai que dans le domaine du multimédia la liberté dexpression est mise à mal par la législation sur des droits qui nont plus rien à voir avec les auteurs. Rabelais était écrivain il vous est donc loisible de représenter et de commenter publiquement son uvre. Dés lors quapparaît une image, le peintre fut-il mort depuis des siècles voire même magdalénien, à moins dêtre fortuné, il vous faudra garder honteusement votre multimédia dans le secret de votre alcôve. Cest cela le patrimoine commun de lhumanité.
Notre institution envisagera peut-être un jour ce problème qui est loin dêtre anecdotique.
Dans certains cas heureux ces problèmes peuvent être surmontés. Des élèves du collège de Lunel vont pouvoir bientôt faire paraître un Cédérom sur les fouilles dAmbrussum réalisé en partenariat avec le CNRS.
Conclusion
Polygraphe évolue encore. Dans un avenir pas trop lointain si du moins mes compétences et mes capacités de travail me le permettent, il devrait passer en 32 bits accepter plusieurs formats dimage etc.
Pour linstant cette aventure ma beaucoup apporté en terme déchanges avec des collègues de toutes disciplines et la programmation est devenue pour moi une occupation pétrie dhumanité.
Jean-Marie BALL
Le logiciel Polygraphe IV est disponible dans la bourse de diffusion sous la référence 9218-OM pour la version junior et 9613-OM pour la version complète.
Article paru dansla Revue de l'EPI, n°89 mars 1998.