"APPROCHES"
UN HYPERTEXTE DE LETTRES
Des exemples d'utilisation en collège

Chantal BERTAGNA

"APPROCHES" est une collection d'hypertextes pour la classe de français. Après le volume Lycée, paraissent deux volumes pour le collège, de vingt textes chacun, l'un pour le niveau 6ème/5ème, l'autre pour les 4ème/3ème .

I - PRESENTATION DU LOGICIEL

Quel est son objectif ? Entraîner les élèves à avoir une approche des textes autonome et méthodique.

De quoi s'agit-il ? D'une banque de textes, d'extraits choisis pour leur classicisme ou celui de leurs auteurs, en conformité avec les programmes en vigueur : ainsi les textes narratifs ont la part belle pour le premier niveau, et les textes argumentatifs sont introduits pour le second. A ces textes sont associés des commentaires, explications et questions pédagogiques ainsi que des travaux de prolongement d'ambitions et de formes très variées.

Dans un souci de clarté et de méthode la présentation est toujours la même. Le menu se présente ainsi :

1) Lire ou relire le texte.

2) Pour mieux comprendre le texte.

3) Votre travail.

4) Principales entrées.

5) Vue d'ensemble.

La première rubrique est constituée du texte appareillé de boutons qui ouvrent de brefs écrans de notes de vocabulaire ou des pages d'explications développées. La deuxième rubrique comprend des sous-parties à teneur générale (comme des indications biographiques ou le résumé de l'oeuvre) ou directement reliées au texte ( telle la composition de ce portrait ou l'ironie dans le texte). "Votre travail" est toujours subdivisé en trois niveaux : "Méthode" pour les élèves les plus à l'aise, "Informations" pour les moyens et "Pour vous guider" pour ceux qui ont davantage besoin d'aide.

II - PREMIERE EXPERIENCE : un texte théâtral, Le Barbier de Séville I,3

Le travail s'est effectué avec une classe de Troisième, à la fin d'une séquence consacrée à l'étude d'une pièce, Le Mariage de Figaro. La séance a eu lieu en salle informatique, à raison de deux élèves par poste, et a duré une heure.

A) Document donné au début de la séance informatique

Vous devrez prendre connaissance du texte (Le Barbier de Séville, I 3) et vous intéresser aux points suivants :

1 - Les éléments matériels.

2 - Rosine.

3 - Mouvement de la scène.

4 - La couleur locale.

Vous prendrez des notes qui seront relevées et notées (critère : la pertinence du choix des éléments retenus). Un questionnaire vous sera posé pour lequel vous aurez à rédiger vos réponses.

D'autre part, vous aurez un travail de réécriture du texte à faire. Pour vous y préparer, explorez bien la situation, les didascalies, la situation scénique des personnages, leur caractère, la dynamique de la scène, sa place dans la pièce.

B) Questionnaire (Document donné le lendemain lors du contrôle en classe, sur feuille)

I - Les éléments matériels.

1 - Quels sont-ils ?

2 - Comment les connaît-on ?

3 - Que nous révèlent-ils sur la pièce ?

II - Rosine.

1 - Quelles sont ses caractéristiques ici ?

2 - Comparaison avec Rosine dans Le Mariage de Figaro.

III - Mouvement de la scène.

IV - Que pouvez-vous dire de la couleur locale ?

V - Le message politique :

1 - Dans la bouche de qui apparaît-il ? Pourquoi ?

2 - Quel est-il ?

3 - Comparaison avec Le Mariage de Figaro.

Le but de ce travail était de voir quelles informations ponctuelles les élèves avaient su trouver mais aussi quel travail de synthèse ils étaient capables de faire après l'étude du texte avec "Approches".

C) Rédaction (devoir en deux heures) : ce devoir a été demandé ultérieurement après correction de la prise de notes et du questionnaire et une autre séance en salle informatique au cours de laquelle les élèves ont eu à reconstituer en traitement de texte une scène de George Dandin qui avait été entrée "au kilomètre" et a ensuite fait l'objet d'une correction lors d'une explication en classe

Ce travail d'écriture a servi d'évaluation finale de la séquence sur le théâtre. Le sujet était le suivant :

"Figaro commente la scène pour le comte et pour lui-même. Rédigez sous forme de scène théâtrale. Vous soignerez l'art du dialogue et n'oublierez pas les didascalies."

D) Objectifs pédagogiques

Ils sont à la fois de l'ordre du savoir et de celui du savoir-faire :

1° Les savoirs.

* Connaissance de la scène en parallèle avec le Mariage de Figaro, étudié en lecture dirigée d'oeuvre intégrale (cf. questions II, IV et V) : similitudes et différences.

* Connaissance du texte théâtral en liaison avec le travail sur George Dandin (cf. questions I ET III).

2° Les savoir-faire.

* Apprentissage de la recherche documentaire : dans quel ordre chercher ? que chercher ? que lire en diagonale ou de façon détaillée en fonction de l'objectif à atteindre (ici, travail de lecture puis d'écriture) ?

* Apprentissage d'une prise de notes dans une recherche de documents : sélection des éléments pertinents.

* Préparation à une analyse de texte (lecture méthodique)

* Etude personnelle et détaillée d'un texte en vue d'une réécriture (cf. Brevet).

E) Commentaire pédagogique

Ce travail mené avec une très bonne classe de 3ème a connu un grand succès auprès de la majorité des élèves. Ils ont su naviguer dans le logiciel qu'ils ne connaissaient pas et choisir les bons renseignements comme en a témoigné le contrôle même si quelques-uns, par manque de temps ou de méthode, n'ont pas découvert tous les renseignements concernant la couleur locale.

L'étude de la scène a occupé trois heures (une en salle informatique, une pour le contrôle, la dernière pour la correction de celui-ci). La démarche de recherche personnelle guidée par le logiciel a favorisé un approfondissement des analyses. L'intérêt de la classe n'a pas fléchi et a permis des devoirs de qualité lors de la réécriture de la scène. Les élèves ont pensé à réutiliser les éléments matériels dans les didascalies, ils ont bien respecté dans l'ensemble les différents moments de la scène, ils ont bien reproduit les rapports entre les personnages, ils ont pensé à faire souligner par Figaro la fausse ingénuité de Rosine, son adresse ainsi que le caractère réactionnaire de Bartholo et la situation d'emprisonnement avec tout ce qu'elle a d'odieux pour Rosine mais aussi pour Beaumarchais.

III - DEUXIEME EXPERIENCE : Un texte argumentatif, extrait du discours de Tarrou dans La Peste

Ce travail est mené avec une bonne classe de 3ème. Il s'insère dans une séquence d'initiation à l'argumentation. Il a donc été précédé de séances de lecture et d'analyse de textes argumentatifs dans le manuel de la classe ainsi que de plusieurs séances en salle informatique, avec manipulations sous traitement de textes ( reconstitution de paragraphes, mise en relief des mots-clés, des exemples, des connecteurs logiques ou insertion de ces derniers) de plusieurs textes argumentatifs courts et simples. La séance a duré une heure et les consignes ont été données aux élèves sur un document papier.

A) Document remis en début de séance :

OBJECTIF : Comprendre cette argumentation, c'est-à-dire,

a) comprendre la construction du texte ;

b) comprendre son sens.

A NOTER au fur et à mesure de votre exploration :

1 - Le locuteur : Qui est-ce ?

2 - Le destinataire : Qui est-ce ? Quels sont ses rapports avec le locuteur d'après ce texte ?, d'après les renseignements extérieurs au texte ?

3 - Thème dominant de chaque paragraphe.

4 - L'emploi de temps : quels temps ? pourquoi ?

5 - Les liens logiques : relevez-les. Quels sont donc les rapports logiques dominants ?

6 - Qu'est-ce que la peste dans ce texte ?

7 - D'après ce texte, quelle attitude faut-il avoir face à elle ? dans la vie ?

B) Objectifs pédagogiques

Ils étaient à nouveau de l'ordre du savoir (comprendre l'organisation de ce texte difficile, comprendre la pensée de Tarrou et par là-même celle de Camus) et du savoir-faire (mieux maîtriser la prise de notes et l'argumentation).

C) Commentaires

Les élèves avaient déjà utilisé "Approches" avec le fichier "Figaro". La prise en mains a donc été immédiate. La classe était aussi familiarisée avec le travail de prise de notes qui avait été demandé lors de cette première séance.

La première réaction a été que le texte était difficile et certains ont même déclaré qu'ils n'y comprenaient rien. A la fin de l'heure, tous les élèves avaient fini de répondre au questionnaire et affirmaient avoir compris le texte. Ceci s'est vérifié le lendemain lors de l'explication orale de cet extrait. Les réponses étaient justes et l'exploration du texte a pu être menée de façon approfondie, le rôle du professeur étant de canaliser et d'organiser les réponses, non de tendre de "grosses perches" comme c'est habituellement le cas pour des textes difficiles. L'expérience s'est donc révélée positive.

Il reste à se demander ce qu'a pu apporter le recours à l'hypertexte. Nous pensons qu'il a permis d'amener tous les élèves à une démarche de lecture méthodique : interrogation du texte selon des pistes systématiques, attention à des phénomènes de langue puis au lexique. Cette démarche à la fois guidée et autonome a permis à chacun de découvrir peu à peu les clés du texte. Il a favorisé aussi la double démarche nécessaire à la compréhension de tout texte, surtout un peu complexe : attention au détail du texte, en même temps que recours à un apparat critique ou à des connaissances extérieures au texte.

Le travail en salle informatique par groupes de deux a confronté chaque élève à la totalité des difficultés du texte et a contraint chacun à y trouver une réponse, contrairement à ce qui se serait passé lors d'une explication orale traditionnelle. La possibilité de chercher dans l'hypertexte les renseignements nécessaires pour traiter les questions a évité d'autre part le découragement qui se serait manifesté si ce travail avait été donné en préparation à la maison.

IV - TROISIEME EXPERIENCE : étude d'un portrait caricatural

Le texte est tiré de la nouvelle de Maupassant, Héraclius Gloss. Il s'agit d'un portrait moral, ridiculisant un faux savant.

Le travail est mené avec une classe de Quatrième pour faire la liaison entre une séquence consacrée au genre de la nouvelle et une autre portant sur la peinture de l'être humain dans des fables ou des portraits.

A) Déroulement du travail

Le professeur indique au tableau la marche à suivre et l'explique :

1. Lire le texte sur papier.

2. Dans "Approches", choisir "Votre travail" et découvrir le sujet de rédaction qui sera l'objectif final.

3. Dans "Approches", explorer "Pour mieux comprendre le texte" et lire

a) le résumé de la nouvelle.

b) Héraclius Gloss

c) le portrait

d) la caricature

4. Dans "Approches", relire le texte en explorant les différents boutons.

Les objectifs sont aussi notés au tableau :

- bien comprendre le texte

- être capable de rédiger un texte analogue.

Pour cela, il faut s'intéresser à la construction du portrait, à la caricature, aux marques de l'ironie.

B) Objectifs

Sur le plan du savoir-faire, le but est d'amener tous les élèves ( y compris les plus en difficulté et les plus timides à l'oral) à se débrouiller seuls pour comprendre un texte et chercher des renseignements qui aident à cette compréhension.

Pour les savoirs, il s'agit de comprendre comment peuvent être organisés un portrait et, plus spécifiquement, une caricature ainsi que des procédés d'ironie.

C) Commentaires

Le travail demandé a pris environ une heure trente. La dernière demi-heure a consisté à mettre en commun les découvertes et à les noter.

Avec une classe déjà habituée au logiciel, on peut prévoir un Parcours Guidé  qui impose l'ordre de la consultation pour que soient passés en revue tous les aspects du texte correspondant aux objectifs de la séance. Pour des néophytes, on a préféré une explication orale traditionnelle qui intègre les réponses aux questions des élèves.

Le travail d'expression écrite proposé était celui d'un pastiche : "A la manière de Maupassant dans "Gloss", faites le portrait d'un élève pseudo-savant". Cette rédaction réalisée ensuite, après un certain délai d'ailleurs, a prouvé que la structure du texte avait été bien assimilée, même par des élèves très moyens, mieux que cela ne l'a été pour les portraits de La Bruyère expliqués en classe de façon traditionnelle. Il semble que les élèves se soient mieux approprié le texte.

CONCLUSION

Bien évidemment, "Approches" n'a pas pour mission de remplacer le professeur. En revanche, il l'aide à apprendre aux élèves à étudier un texte de façon autonome, à réfléchir par eux-mêmes. En effet, dans les situations décrites ici, c'est le professeur qui a déterminé les objectifs à atteindre pour ces textes et qui a tracé les grandes lignes qui permettent d'y parvenir. L'élève, lui, a dû organiser ses lectures, ses recherches tout en se sentant guidé à la fois par le logiciel, les indications préalables et les éventuels recours au professeur pendant la séance.

On peut aussi envisager d'autres perspectives de travail qui seraient l'utilisation du logiciel en classe entière avec une tablette de rétroprojection afin de mener une réflexion collective sur les bonnes et les mauvaises manières de chercher, ou encore la mise à disposition du logiciel au CDI ou en libre-service, avec, si possible, des Parcours guidés préparés pour telle classe ou tel élève.

L'utilisation du Parcours Guidé permet par ailleurs de pratiquer une pédagogie différenciée puisque, pour une même séance de travail, on peut prévoir différents parcours (et cela sans difficulté ni perte de temps considérable).

A noter encore que le professeur peut suivre la Trace de la Navigation de l'élève qui est enregistrée : voilà un bon moyen de comprendre où se situent les difficultés de compréhension des plus faibles (vocabulaire, références culturelles, implicite du texte, syntaxe ...).

Bref, les pistes sont multiples et, si l'élève est guidé, le pédagogue, lui, reste libre d'organiser le travail à sa guise, en fonction de ses objectifs, du niveau des élèves ou de la difficulté des textes. A condition de ne pas le prendre comme un logiciel d'EAO prêt à être consommé, cet hypertexte peut aider l'élève à construire avec méthode le sens des textes qui lui sont proposés.

 

Chantal BERTAGNA

Professeur de Lettres, Collège Verhaeren, Saint-Cloud
Membre du Groupe d'Expérimentation Pédagogique
Informatique et Lettres, Académie de Versailles.

Article paru dans la Revue de l'EPI  n° 82, Juin 1996.