et électronique Comme on a toutes les raisons de penser que l'informatique est définitivement installée dans notre vie quotidienne et qu'elle aide désormais à gérer la plupart de nos activités intellectuelles, il serait temps de réfléchir, y compris pour les disciplines littéraires, à la place des aides électroniques dans les épreuves d'évaluation dont la plus représentative est le baccalauréat. Mais les réticences légitimes ne tomberont que si se maintient le principe d'équité au moment de l'épreuve. Parallélisme frappant entre les sciences et les lettres On voit apparaître de plus en plus d'outils qui gèrent des tâches routinières. C'est le cas pour le calcul et l'orthographe. On libère ainsi du temps et des capacités intellectuelles plus "nobles". L'évolution est telle qu'apparaissent des aides "conceptuelles" dans des domaines comme les fonctions mathématiques, la syntaxe ou la stylistique. On pourra bientôt parler de prothèses ou d'automates pour la résolution d'équations ou la rédaction. Il n'est plus possible de penser que l'informatique concerne uniquement les sciences ou la gestion. Beaucoup d'oeuvres littéraires « classiques » sont désormais accessibles sur CD-Rom. Faut-il rappeler aussi que des logiciels, même s'ils sont encore chers et perfectibles, sont déjà disponibles sur le marché pour lire des textes à haute voix (Proverbe) ou écrire sous la dictée, sans clavier (Dragon Dictate). Différences frappantes entre les lettres et les sciences Or il se trouve que, dans un cas, l'usage des programmes spécialisés d'aide à la résolution des problèmes est un objectif intégré aux disciplines scientifiques, alors que dans l'autre, l'usage des correcteurs et des dictionnaires électroniques est encore largement ignoré voire proscrit chez les littéraires. L'usage d'une calculatrice est toléré voire recommandé dans les épreuves scientifiques, l'idée même qu'un candidat puis se présenter avec un correcteur orthographique de poche est tout bonnement sacrilège. Peut-être certains stéréotypes ou préjugés sont-ils plus vivaces chez les littéraires à propos des aides électroniques : « s'en servir, c'est tricher ! » ou « les maîtres n'auront plus rien à enseigner ! » Raisonnons un instant : est-ce plus grave que d'utiliser la roue pour transporter des charges ou des moyens mnémotechniques pour alléger son esprit ? Le premier qui a appris une table de multiplication ou une liste comme MAISOUETDONCORNICAR ne s'est-il pas créé une "prothèse intellectuelle" pour améliorer son confort ? Ne sait-on pas que les capacités ne sont pas uniformément reparties ? Pourquoi celui qui a moins de moyens, comme on dit, n'utiliserait-il pas des aides électroniques, comme le handicapé se sert d'un fauteuil électrique ? L'examen, moteur du changement Si l'on prend en considération le fait que les examens sont un puissant moteur pour faire évoluer les contenus et les méthodes d'enseignement, il serait intéressant de proposer au baccalauréat des épreuves requérant « naturellement » l'usage des nouvelles technologies et des outils logiciels. De ce point de vue, en lettres et en langue les aides à l'écriture, les outils de lexicométrie et de recherche documentaire, les dictionnaires spécialisés ou les aides à la traduction se banalisent. S'y ajoute la gestion du son et des images dans la perspective multimédia qui facilite le voisinage avec les disciplines artistiques. Plutôt que de formuler des voeux - rarement suivis d'effet - pour faire évoluer les équipements, ne serait-il pas plus judicieux de faire adopter des sujets d'examens incitatifs, tels qu'on puisse les traiter avec les outils adéquats, aussi naturellement que pendant l'année scolaire ? Un principe d'équité La seule condition, pour mettre en place un tel système d'évaluation, est que l'autorité responsable, c'est-à-dire le Ministère de l'éducation nationale, fournisse les outils adéquats pour évaluer. Le candidat n'apporte pas ses outils personnels dont la sophistication serait évidemment fonction de la fortune de ses parents. Comme aujourd'hui, c'est le Centre d'examen qui fournit le matériel : une table, une chaise et l'ordinateur avec les logiciels et les supports nécessaires. On réglerait d'un coup le délicat problème des contrôles ou des habilitations : en début d'année scolaire - comme il en va pour les programmes - le Ministère annoncerait quels outils ont reçu son agrément et seront mis à la disposition des candidats. Une phase transitoire Sans doute, dans un premier temps, faudrait-il prévoir une phase d'expérimentation pour des candidats et des correcteurs ayant choisi cette forme d'évaluation et disposant des équipements pour s'y préparer. Les volontaires devraient se déclarer assez longtemps à l'avance pour que le nombre de postes à installer soit connu. Pour l'étape suivante, on pourrait aussi imaginer que certains centres soient entièrement équipés mais que l'usage des ordinateurs reste facultatif, les candidats étant libres de rédiger leur épreuve sur papier ou au clavier. Pour la plupart des épreuves, il faudrait prévoir l'utilisation en réseau de logiciels, de textes, de CD-Rom etc. consultables sur des terminaux ne permettant l'entrée de données autres que celles élaborées par le candidat. Trois sujets de français... pour réfléchir et rêver Pour cette épreuve, les candidats ont accès à un poste de travail multimédia. 1. Choisissez une séquence de 4 minutes dans le film « Une ténébreuse affaire » et recherchez le passage correspondant dans l'oeuvre de Balzac. Rédigez un commentaire sur l'interprétation donnée par le cinéaste. 2. Après avoir visionné l'entretien de Bernard Pivot avec Albert Cohen, vous rechercherez dans « O vous, frères humains » l'anecdote que raconte l'auteur et vous comparerez les deux formes de récit (parlé et littéraire). 3. Vous comparerez les deux journaux télévisés qui vous sont proposés, sur TF1 et FR2, pour la journée du 20/3/2008. NB. : La date est fictive et réaliste à la fois car il faudra sans doute un peu de temps pour voir aboutir ces propositions... Jean-Louis Malandain Paru dans la Revue de l'EPI n° 81 de mars 1996. ___________________ |