et Enseignement Depuis plusieurs années les outils de calcul symbolique sont utilisés dans quelques classes de lycée. Des études sont conduites sur les évolutions que ceci pourra entraîner. Cette année deux faits marquant sont advenus. Le premier est d'ordre institutionnel : les programmes des classes préparatoires scientifiques prévoient l'utilisation de systèmes programmables de calcul formel. Même si ceci ne concerne qu'un nombre faible d'étudiants et d'enseignants, cette entrée est révélatrice de l'importance que l'institution porte à ces outils pour la formation des scientifiques. Le second est d'ordre industriel et commercial : une nouvelle calculatrice permettant de faire du calcul symbolique vient d'être mise sur le marché (la T192). Cette sortie ne peut pas nous laisser indifférents car nous allons voir ces outils se multiplier dans les classes (comme cela c'est produit il y a quelques années pour les calculatrices graphiques). Face à ces changements on peut se réfugier dans des jugements sans appel (et sans intérêt) du type "il est devenu inutile d'enseigner les math", "les machines font les problèmes de bac", etc. Ces propos sont surtout révélateurs d'une ignorance des outils ou de l'enseignement, voire des deux. Il est d'abord important de réaliser que ces outils "contiennent" beaucoup de connaissances mathématiques et que par conséquent on ne peut pas apprendre à les utiliser sans apprendre des mathématiques. C'est la raison pour laquelle l'apprentissage des outils de calcul symbolique ne peut être envisagé comme étant uniquement du domaine privé de l'élève (que celui-ci possède ou non une calculatrice symbolique). Comprendre qu'une expression algébrique peut s'écrire sous différentes formes, apprendre à choisir la forme adaptée au traitement que l'on veut effectuer sont des compétences que nous avons toujours cherché à faire acquérir à nos élèves. Il n'y a pas de modification, sur ce point, des objectifs de notre enseignement, il y a sans doute des modifications de stratégies d'apprentissage. Nous pourrions ainsi passer en revue les diverses rubriques des programmes de l'enseignement secondaire. Les travaux conduits par l'équipe mise en place il y a quatre ans par le ministère, ainsi que bien des travaux conduits dans les IREM et dans les autres pays, montrent que les objectifs des programmes de l'enseignement secondaire ne sont pas remis en cause. Même sur les questions les plus "techniques" (l'exemple auquel on pense tout de suite est le calcul intégral, mais on peut aussi bien citer la résolution de systèmes) il reste indispensable d'apprendre aux élèves le "sens" des traitements et cette compréhension ne peut faire l'économie de quelques étapes de réalisation effective (à la main) des traitements. Dans le domaine de l'évaluation, nous devons nous méfier de nos réactions d'adultes sachant des mathématiques. Bien souvent il nous semble que la machine "fait tout" parce que nous sommes capables, de toute façon, de faire ce "tout" avec ou sans outil. Prenons l'exemple d'un sujet de baccalauréat. A sa seule lecture, nous voyons bien l'enchaînement des questions et devinons les réponses ; si nous hésitons entre deux réponses c'est parce qu'il nous manque le résultat d'un calcul. Lorsque nous cherchons un problème plus complexe, nous savons bien que notre premier souci n'est pas d'obtenir le résultat de tel ou tel calcul mais bien de découvrir ce qu'il va falloir effectivement calculer, quelle propriété nous allons devoir établir. La place d'un outil de calcul nous semble alors seconde (même s'il nous permet de tester rapidement le bien-fondé d'une conjecture). Les élèves sont confrontés à des problèmes qui leur posent des questions de sens tout autant que des questions de calcul. Pour eux la machine (quelle qu'elle soit) est loin de "tout faire". Nous avons donc à prendre en compte l'arrivée de ces outils, dans la conduite de la classe, mais aussi dans notre rapport à la discipline. Les mathématiques ont de tout temps suscité l'invention d'outils (matériels et/ou intellectuels). Ces outils ont permis des progrès, dans la discipline elle-même et dans sa diffusion au plus grand nombre. Cette prise en compte demande du temps et du travail ; elle est une occasion de s'interroger une fois encore sur notre discipline et son enseignement. J.-F. Canet Paru dans la Revue de l'EPI n° 81 de mars 1996. ___________________ |