SOCRATE AU PAYS DES ORDINATEURS Charles DUCHÂTEAU Résumé : les systèmes éducatifs occidentaux sont pratiquement tous en crise ; l'organisation morcelée de l'école et le portrait uniforme de la tâche des enseignants qui datent d'un temps où les missions de l'institution scolaire étaient bien différentes n'y sont sans doute pas étrangers. C'est dans ce contexte que l'on tente, depuis plusieurs années déjà, de marier l'ordinateur (et les nouvelles technologies de l'information) aux pratiques d'enseignement. Cette contribution tentera de montrer en quoi ces outils et les approches qui y sont liées possèdent un important potentiel innovateur (et perturbateur) en ce qui concerne la pédagogie et d'expliciter en quoi et comment ces instruments peuvent contribuer aux changements qui sont devenus indispensables sur le plan des usages éducatifs. 1. L'ÉCOLE AUJOURD'HUI : VIVE SOCRATE Depuis une trentaine d'années nos sociétés occidentales ont demandé à l'institution scolaire d'accueillir et de former l'entièreté d'une classe d'âge [1]. C'est dire que le nombre d'élèves scolarisés comme celui des enseignants chargés de cette tâche ont crû dans d'énormes proportions. Pourtant, ni la formation des enseignants, ni la structure de l'institution scolaire n'ont pris en compte cette mutation. Notre modèle de l'enseignement reste - au mieux - celui du dialogue socratique, celui du "maître" aidant au long accouchement de la connaissance chez les "disciples élus". Cette expérience du contact avec un vrai "maître" reste sans doute marquante - mais rare - dans la carrière d'un élève et ce n'est pas elle que je mets en cause ici. Ce qui est absurde c'est de transposer cette "méthode" en faisant comme si tous les "enseignants" étaient à coup sûr et constamment des "maîtres". Dans la sphère économique, la nécessité d'une production (et d'une consommation) de masse a contraint à abandonner les modèles de création artisanale pour se tourner vers une industrialisation de ces processus de production. L'institution éducative d'aujourd'hui est confrontée à la même révolution : on ne lui demande plus d'instruire une faible frange d'élites mais de former et de scolariser "au mieux" tous les jeunes de 6 à 18 ans. Pourtant le modèle est resté celui de l'enseignant "artisan" qui va, seul, être au four de l'enseignement au sein de la classe et au moulin de la préparation des "leçons" à assurer (quand ce n'est pas - pour poursuivre la métaphore - se retrouver dans le pétrin des difficultés relationnelles et psychologiques). Même si la nostalgie de l'artisanat nous poursuit, l'école devra bien faire sa "révolution industrielle" : révolution quant à son organisation cloisonnée en classes, en niveaux, en matières ; révolution surtout en ce qui concerne la diversification des rôles et des profils des enseignants. Il me paraît indispensable de passer d'une vision uniforme de ce qui fait l'activité d'un enseignant tout au long de sa carrière à une représentation à la fois plus large et, surtout, plus nuancée et plus variée de la profession enseignante. Entendons nous bien : je ne souhaite pas faire entrer Taylor à l'école et quand j'évoque "l'industrialisation" nécessaire j'y vois au contraire changement des rôles, création et utilisation d'outils et d'environnements pour enseigner et apprendre, partage en équipe... Et il ne suffira pas seulement de changer d'étiquette et de transformer les "maîtres d'école" de notre enfance en "professeurs d'école" pour que cette diversification des rôles au sein de la fonction enseignante ou au cours de diverses phases de la carrière même d'un enseignant devienne une réalité [2] Un mot pourtant avant de poursuivre : s'il y avait une solution simple à la crise de l'école, cela se saurait ; il faut se méfier des prescriptions des "spécialistes" et des fantasmes des experts (y compris de ce qui va suivre) tout en continuant sans relâche à analyser les problèmes et à imaginer et expérimenter ensemble des solutions qui seront forcément partielles et lacunaires. Il y va de la survie de l'école, donc de notre société et partant, de notre culture (à moins que ce ne soit l'inverse). 2. L'ORDINATEUR ? L'ordinateur et son cortège d'utilisations est depuis longtemps considéré par une frange importante des spécialistes de l'éducation comme un moyen possible de diversifier, d'enrichir, voire de rénover, la relation pédagogique tant dans sa composante "enseignement" que dans son aspect "apprentissage". Des antiques "machines à enseigner" aux prophéties sur la révolution liée à la diffusion généralisée des ordinateurs de poche, les "nouvelles technologies" ont suscité bien des espoirs. Même si les réalisations de terrain n'ont probablement pas toujours été à la mesure des espérances et de la quantité des discours (Cf. OCDE89), il est important de continuer à évoquer des possibles. Je me propose donc d'épingler, sans exhaustivité mais non sans parti pris, quelques potentialités de ces nouvelles technologies de l'information et de la communication en relevant en quoi et comment elles sont susceptibles d'apporter leur grain de sel dans la pédagogie ou leur grain de sable dans la routine du trio "enseignant"-"élèves"-"matière". Je ne souhaite donc pas relever toutes les applications et utilisations concevables de l'ordinateur, mais seulement placer l'accent sur certaines et leurs effets possibles sur l'enseignement, l'apprentissage, l'organisation de l'école et la perception des rôles de l'enseignant. Ainsi, je laisserai de côté les aspects "outil de gestion" de l'ordinateur et "objet d'enseignement" de l'informatique (cette dernière perspective constituant pourtant à l'heure de l'alphabétisation informatique et de l'émergence d'une culture qui en serait partiellement redevable un sujet de réflexion particulièrement important et délicat (cf. Duchâteau 90). Je voudrais dans un premier temps, avant de passer à des rôles moins explorés de l'ordinateur, m'attarder quelque peu à celui, classique, d'outil d'aide à l'enseignement et à l'apprentissage : c'est tout le domaine de l'EAO. 3. L'ORDINATEUR : TUTEUR, OUTIL POUR L'ENSEIGNANT OU APPÂT POUR L'ÉLÈVE Je souhaite ici, en un retour à une récente publication (Duchâteau 92b), examiner trois acceptions possibles de l'acronyme EAO en portant sur ce dernier un regard qui se focalise sur la place de l'ordinateur [3] dans le triplet classique "matière"-"enseignant"-"élève". 3.1. L'EAO, Enseignement Assuré par l'Ordinateur : l'ordinateur-tuteur Cette vision, aujourd'hui heureusement dépassée, d'un premier rôle possible de l'ordinateur a peut-être été le fantasme le plus répandu : celui du "tutoriel". Il s'agit là du type d'usage dont beaucoup se défendent ("Mais non, l'ordinateur ne remplacera jamais l'enseignant !") et qui a pourtant profondément marqué les débuts de l'utilisation de l'ordinateur à des fins pédagogiques. C'est la chimère de l'ordinateur "tuteur", celui de l'automatisation de l'apprentissage, celui où le logiciel va s'efforcer de "singer" au maximum les actions et réactions d'un bon enseignant. On installe l'élève devant la machine-tuteur et à l'issue du "dialogue" qui va s'ensuivre et qui sera bien entendu "individualisé", il va apprendre et maîtriser le concept de dérivée ou le fonctionnement du moteur à explosion. 1. La vision de l'apprentissage véhiculée par ce type d'approche trouve ses racines dans les courants "skinnériens" ou "crowdériens" qui avaient déjà largement inspiré l'enseignement "programmé". Les contenus à maîtriser sont décortiqués et morcelés en petites parcelles qui seront successivement proposées à l'apprenant. D'après les réponses émises, ce dernier est traîné le long d'une piste d'apprentissage plus ou moins "individualisé". A l'issue du dialogue entre l'apprenant et son "tuteur", le concept est maîtrisé, la matière est digérée. 2. On devine l'énorme difficulté de ce décorticage préalable de la matière à faire apprendre qui réclame à la fois une grande expertise dans les contenus, mais aussi une connaissance approfondie des difficultés rencontrées lors de leur apprentissage. Il faut une vision complète de la matière à enseigner, de son organisation et cela dans une logique d'apprentissage. 3. Il est en tout cas une retombée extrêmement positive de ces tentatives pour le concepteur des logiciels "tutoriels", c'est la chasse aux flous et aux implicites à laquelle conduit la nécessité de déplier complètement la matière et les modalités de son apprentissage. L'ordinateur devient alors miroir et révélateur des représentations et des stratégies de l'enseignant. Dans le même ordre d'idées, il est probable que les tentatives et les recherches dans cette voie feront progresser nos visions des modalités de l'apprentissage en obligeant à opérationnaliser les concepts sous-jacents et à les formaliser. 4. Lorsqu'on les regarde du côté "conception" ou "analyse et programmation", la création de tous les outils informatiques est caractérisée par le fait que la tâche à informatiser doit avoir été complètement dépliée et cela à l'avance. Plus aucun flou, plus aucun implicite n'est permis, y compris dans le cas de ces didacticiels "tutoriels". Le concepteur doit donc avoir prévu d'avance le dialogue qui va sous-tendre l'apprentissage et cela en n'ayant prise que sur un des deux protagonistes : on peut seulement écrire le "rôle" de l'ordinateur avec toutes les répliques subséquentes à toutes les réactions "prévisibles" de l'apprenant. Le problème n'est donc plus d'enseigner mais de faire enseigner... et cela par un "tuteur" particulièrement "borné". Et c'est la prise en compte de la caractéristique essentielle de cet exécutant qui constitue la seconde difficulté. Au delà du décorticage extrême du contenu à faire apprendre (il faut penser à tout, avoir prévu la gamme colossale des types de réponses fausses, y détecter de quelles mécompréhensions ces réponses sont le reflet, y remédier...), il subsiste un "détail" qui est au coeur de l'informatique, qui en fait la profonde difficulté et la singulière démarche : l'ordinateur est un traiteur formaliste d'informations. Dans le mot "informatique", ce qu'il faut lire, c'est non "information" mais "forme". L'objectif réel de l'informatique, c'est de traquer le sens sous la forme, d'enfermer la signification dans les signes, la sémantique dans la syntaxe. Et le domaine qui échappe sans doute le plus à cet enfermement est bien celui du langage et a fortiori du dialogue. On a donc perdu un temps énorme et consacré une énergie considérable à un problème somme toute "technique" et marginal : l'analyse des réponses émanant de l'apprenant. Pour abréger et employer une métaphore éclairante, on se trouve lors de la conception de ces didacticiels tutoriels affronté au problème suivant : il s'agit de fournir, pour le point de matière envisagé, par exemple le concept de pression en physique, TOUTE la marche à suivre détaillée et exhaustive explicitant toutes les étapes, questions à poser, réponses attendues, réactions à mettre en oeuvre... Cet énorme ensemble de "consignes pour enseigner le concept de pression" est malheureusement destiné à un "tuteur" non-enseignant et non-physicien. Il est certain que nous rencontrons là une première strate de difficultés ; c'est la domination de celles-ci, similaires à celles de l'enseignement programmé, qui va, si elle est correctement menée, accroître considérablement l'expertise des enseignants de physique qui s'attelleront à cette tâche de scénaristes. Il est malheureusement un écueil supplémentaire : notre (futur) tuteur, ignare en physique et sans expérience de l'enseignement se trouve être de surcroît espagnol et ne comprend pas la moindre bribe de français. Pour corser le tout, il est timoré et sans aucune initiative. Il va donc falloir que les indications basées sur le décorticage auquel nous nous sommes livrés soit traduites en espagnol (cela c'est facile), mais surtout continuent de comporter (entre guillemets) les phrases en français à destination des élèves, les réactions en français à leurs réponses en français... Notre "tuteur" espagnol, suivant aveuglément nos consignes, va donc faire apprendre, sans rien comprendre aux questions qu'il pose ni aux réponses des élèves les différentes facettes de ce concept de pression. On peut aussi rêver à ce que, toujours sur base de nos consignes, il finisse par évaluer la compréhension des apprenants et, même, à partir de réponses qu'il ne comprend pas, qu'il détecte leur style cognitif. Quand il aura terminé, le collègue espagnol ne saura pas qu'il vient de donner des indications en français, qu'il a enseigné et encore moins qu'il a fait apprendre la physique. S'il se trouve quelqu'un prêt à relever le défi de l'écriture des consignes nécessaires, qu'il sache que ce qu'il aura fait demain pour le confrère espagnol, je suis alors prêt à le faire après-demain pour l'ordinateur. 5. Ce qui me paraît affligeant dans ce fantasme, c'est surtout que l'enseignant n'a nulle part sa place dans le processus (sauf peut-être pour brancher l'ordinateur). Le triangle Apprenant-Matière-Enseignant a perdu un de ses sommets. Il se schématise en : 6. Le fait que l'ordinateur soit équipé d'un langage auteur plutôt que d'un langage de programmation classique (Basic, Pascal...) ne gomme pas la nécessité du décorticage imposé et de la gestion préalable du dialogue. Sur des points de détail, l'écriture des consignes à destination de l'ordinateur est facilitée, mais un langage auteur ne transforme pas une machine formaliste en un interlocuteur partageant notre maîtrise du langage. 7. Il est une illustration supplémentaire de l'importance accordée à ce type d'utilisation : beaucoup de propositions d'évaluation des produits d'EAO se font essentiellement en observant et jugeant ce que fait l'ordinateur et non ce que font l'enseignant ou l'élève. Si on veut juger du degré d'intégration d'un outil logiciel aux stratégies de l'enseignant, c'est l'enseignant qu'il faut regarder et si l'on veut évaluer les qualités des apprentissages provoqués, c'est l'élève qu'il faut surveiller, et pas l'écran ! [4] Il est possible qu'à moyen terme et pour des univers particulièrement restreints, les progrès de l'informatique permettront peut-être de s'attaquer à ce problème central de l'EAO tutoriel : la gestion d'un dialogue "en différé". Les tentatives doivent sans doute se poursuivre, mais en ayant clairement pris la mesure du défi. Et il ne faudrait plus que ces démarches qui visent à faire de l'ordinateur un "précepteur" continuent à constituer l'arbre qui cache la forêt des applications pédagogiques possibles : il y a tellement mieux à faire avec un ordinateur que d'essayer de lui faire singer un enseignant [5]. 3.2. L'EAO, un Enseignant Assisté par l'Ordinateur : l'ordinateur-outils [6] Voilà sans doute le domaine où nous pourrons faire moisson d'une large variété de produits et de modalités d'utilisation. Elles ont toutes en commun le fait que l'enseignant y retrouve un rôle et que l'ordinateur, équipé des logiciels adéquats, y reprend celui qu'il n'aurait jamais dû quitter : un outil, ou plutôt une profusion d'outils. Il est évidemment arbitraire et délicat de classer les produits dans la rubrique des outils pour l'enseignant ou ceux des outils pour l'élève. Certains d'entre eux peuvent bien sûr être utilisés avec bonheur par les uns et les autres. Sans vouloir être exhaustif, je voudrais pointer quelques exemples typiques et bien connus de ce type d'usages. 1. L'ordinateur "super-tableau" Il s'agit là des utilisations décidées et préparées par le professeur et exécutées dans le cadre d'une leçon "traditionnelle" : à côté du tableau, du projecteur de dias ou du rétroprojecteur, l'enseignant utilise, devant la classe, les possibilités d'un tableur, d'un logiciel de représentation de courbes... pour illustrer un concept, abréger un calcul répétitif et fastidieux, traiter les données d'une expérience... L'ordinateur intervient alors dans le triplet Elève-Enseignant-Matière de la manière suivante : 2. Les didacticiels "bêtes" de drill et d'exercices. Ce sont ceux qui, en connaissance de cause et de manière évidente, restreignent le "dialogue" entre l'élève et l'ordinateur à un échange du style "biffer la mention inutile". Le rêve de l'ordinateur-tuteur a disparu pour laisser la place à un auxiliaire borné et patient [7], tout juste bon à proposer des énoncés et à relever la correction de la réponse stéréotypée fournie dans la gamme des propositions livrées. L'initiative de l'élève est extrêmement réduite surtout quant à la forme des réponses possibles. Chacun sait qu'une partie du travail de l'enseignant est constituée d'activités sans beaucoup de matière grise ajoutée : test des acquisitions de "réflexes" par les élèves (les tables de multiplication), propositions d'exercices d'entraînement et leur correction (calcul écrit, addition des fractions...), vérification de connaissances factuelles (les capitales des pays d'Europe...). Voilà typiquement des activités où l'ordinateur équipé de logiciels peu sophistiqués est irremplaçable. Il vaut mieux le cantonner dans un rôle de répétiteur que dans celui d'un précepteur. Peu importe ici que des produits utilisés soient "bêtes" : ils viennent décharger l'enseignant des activités "bêtes" auxquelles il est parfois aux prises. Ainsi soulagé d'aspects répétitifs ou fastidieux de sa tâche, il retrouvera peut-être du temps pour les remédiations et rattrapages qui en constituent un pôle important et pour lequel il est irremplaçable. Même si l'enseignant est absent du moment où l'apprenant se trouve occupé avec le logiciel exerciseur, c'est lui qui décide, organise et gère l'accès des apprenants à ce type de produit ; il devient alors, de manière modeste sans doute, gestionnaire de cette modalité particulière d'apprentissage chez l'un ou l'autre élève : 3. Les progiciels de bureautique Je crois que pour que l'enseignant décide de se faire assister d'un ordinateur au sein de sa classe, il faut qu'il ait perçu l'intérêt de cet assistant. Les utilisations à titre personnel, pour ses préparations, la gestion des bulletins... sont sans doute décisives pour déclencher une curiosité à coloration plus pédagogique. Les produits le plus souvent efficaces dans ce contexte sont évidemment les progiciels de bureautique. Dans la foulée, une fois ces outils maîtrisés, on peut alors réfléchir à leurs usages possibles au sein de la classe, s'interroger sur les détournements pédagogiques prometteurs de ces progiciels et les expérimenter. Ces logiciels-outils sont, par nature, largement ouverts sur une classe fort étendue d'utilisations : ici aussi, c'est l'imagination et la créativité des enseignants (et des élèves) qui constituent le moteur essentiel du développement de ces activités. Cette liste est loin d'être complète : je l'ai souligné, c'est l'usage qui est souvent décisif plus que les caractéristiques des produits. Tel "tutoriel" peut être utilisé par l'enseignant comme outil de rattrapage, tel progiciel de gestion de fichiers comme "super tableau"... Ce qu'il va falloir ici, on le devine, c'est évidemment des idées, bien plus que des produits ! 1. Ces utilisations ont en commun le rôle central de l'enseignant : c'est lui qui décide où, quand, comment et quels outils exploiter ou faire utiliser par les élèves. Si les écueils de l'EAO première manière se situaient essentiellement au niveau de la conception des produits, les difficultés de cet autre style d'EAO se placent sur le plan des changements de rôles et d'attitudes des enseignants. Il est évidemment impossible qu'un formateur intègre ces outils nouveaux à ses pratiques sans prendre conscience et expliciter ces dernières. On touche ici au rôle de miroir ou de révélateur de l'ordinateur, que j'évoquerai ci-dessous. 2. C'est ici beaucoup moins les produits que les utilisations qui en sont faites qu'il faut évaluer. La question à poser est non pas "que fait l'ordinateur ?" mais plutôt "que fait l'enseignant ?". 3.3. L'EAO, un Elève Acteur grâce à l'Ordinateur : l'ordinateur-monde à explorer Voici sans doute le type d'utilisation le plus rare, mais aussi le plus prometteur de l'ordinateur. S'il fallait le qualifier en peu de mots, je dirais que comme pour les jeux vidéos, l'apprenant se trouve plongé dans un "petit monde" qu'il va peu à peu explorer. Les actions posées vont provoquer des modifications de l'environnement et forcer l'élève à échafauder des hypothèses qui seront ensuite testées grâce à de nouvelles interventions de sa part. Petit à petit, aidé par ses condisciples et par l'enseignant, il va reconstruire "dans sa tête" le monde sur lequel il agit et les règles qui gouvernent celui-ci : il va bâtir son nouveau savoir, ses nouvelles connaissances. 1. Il existe évidemment encore assez peu de ces outils ouverts et qui permettent une activité exploratoire et de découverte d'une matière particulière. Je citerai seulement à titre d'exemple, CABRI Géomètre. 2. Si l'enseignant reste encore gestionnaire de l'environnement d'apprentissage, il devient fort souvent aussi complice de l'apprenant et co-explorateur lors de la découverte du micro-monde proposé par ce type de logiciel : Il ne faut pas non plus négliger le rôle de guide (au sens touristique du terme) : l'enseignant, s'il accompagne les élèves dans leurs découvertes, va signaler et souligner les détails importants, faire prendre conscience des apprentissages réalisés, faire le point sur le chemin parcouru, désigner les analogies éclairantes... Ce rôle de mise en perspective a été maintes fois souligné comme crucial pour permettre les transferts des compétences acquises. 3. Une fois de plus, le véritable problème ici n'est pas celui de la maîtrise technique de ces outils, mais celui de leur intégration dans une stratégie globale et la perception par l'enseignant du changement de rôle qui lui est à certains moments demandé. 4. Ces outils ne constituent pas la panacée, qui permettrait de traiter souverainement difficultés d'apprentissage ou manque de motivation des élèves. J'en ai eu l'expérience récemment visitant une classe-atelier autour d'une utilisation de CABRI Géomètre : une bonne moitié des élèves, malgré la présence active d'un enseignant chevronné et parfaitement à l'aise avec l'approche proposée et malgré les qualités intrinsèques du logiciel, attendaient de toute évidence avec résignation et passivité que le temps passe. C'est que, même avec CABRI, la découverte de la géométrie et la rencontre de problèmes à résoudre n'enthousiasment pas forcément tous les élèves. Il faudra bien admettre que quoi qu'on fasse tout apprentissage comporte des moments pénibles et nécessite des efforts. 4. L'ORDINATEUR, OCCASIONS D'APPRENTISSAGES. Je dirais volontiers que dans le triangle "Matière"-"Enseignant"-"Élève", c'est le sommet "Matière" qui disparaît ici. En tout cas l'objectif essentiel est non de découvrir et d'assimiler un contenu "traditionnel", mais tout simplement d'apprendre : l'ordinateur n'est que le prétexte à des activités qui apporteront un plus cognitif à l'élève. Le terme "occasion" souligne également à la fois le caractère gratuit et l'aubaine que constituent ces apprentissages. 1. Le premier et le plus prestigieux représentant de ce type d'approche est sans conteste l'environnement LOGO. C'est aussi, sans aucun doute, celui qui a été le plus expérimenté et analysé. La seule caractéristique sur laquelle je souhaiterais insister est la suivante : à travers LOGO, le micro-monde exploré participe essentiellement à la pensée algorithmique. Même si c'est de manière douce et sans en prendre explicitement conscience, l'apprenant, explorateur de l'univers LOGO, est au cœur de la démarche algorithmique : il ne dessine pas, il donne à l'exécutant-tortue les consignes nécessaires pour la faire dessiner. On y retrouve le saut qui faisant passer du monde du "faire" à celui du "faire faire" place l'apprenant au cœur de la pensée algorithmique. On sait que le but essentiel de l'environnement LOGO n'est ni de faire apprendre la géométrie (même si l'outil peut être "détourné" à cette fin) ni non plus, malgré ce qui précède, d'initier à la programmation. Il s'agit d'activités "gratuites" en ce sens qu'elles ne s'attachent pas à faire digérer une matière habituelle mais qui sont à haute teneur possible en méta-cognition. 2. Les utilisations des logiciels-outils constituent également de magnifiques occasions d'apprentissages méthodologiques [8] qui feraient enfin entrer à l'école le souci d'acquisitions souvent rejetées sur le travail à domicile [9]. Ici aussi, les outils utilisés peuvent être le prétexte à des gains sur le plan de compétences d'organisation, de planification, de collaboration... 3. C'est ici aussi qu'il faut évoquer toutes les expériences de robotique pédagogique : la situation de commande d'un automate même si elle entretient d'étroits rapports avec les problèmes de programmation classiques (faire faire) est anecdotique. Ce qui compte c'est non de faire effectuer au "robot" les tâches souhaitées, mais toute la démarche qui y aura conduit : questions, hypothèses, échanges, essais, détection des erreurs, correction... 4. Même si, vues du point de vue de l'apprenant, ces "occasions" gardent un caractère gratuit et fortuit, on devine que la disparition du pôle "matière" est un facteur de déstabilisation important pour l'enseignant et nécessite donc une formation particulière à ce type de "pédagogie". C'est dire que, plus qu'ailleurs, la recherche, l'expérimentation et l'échange doivent être les maîtres mots. On sait à présent qu'il ne suffit pas de placer les apprenants dans des situations potentiellement riches en acquisitions d'aptitudes ou de compétences nouvelles pour que ces apports soient automatiques. Ici encore, les rôles à la fois de guide et de complice de l'enseignant sont primordiaux et doivent être préparés. 5. J'ai déjà eu le loisir d'expliciter par ailleurs (Duchâteau 92a) l'image que produit immanquablement devant mes yeux ces "occasions d'apprendre". Il s'agit de la métaphore des "vidanges perdues" [10]. Les détails des activités LOGO, des commandes utilisées dans l'usage du tableur ou des recherches effectuées dans une banque de données sont à la fois sans importance et sans utilité autre qu'immédiate. Ce n'est pas inquiétant ou dramatique puisque l'essentiel n'est pas là. La "vidange" LOGO est perdue, comme le sont un grand nombre d'autres bouteilles plus classiques : exercices de calcul mental ou écrit, jongleries gratuites sur le système métrique (rappelez-vous les transformations des "décalitres" en "centimètres cubes" et des "hectares" en "centimètres carrés", ou mieux, regardez attentivement vos enfants : ces "vidanges" n'ont pas changé)... Les compétences et habiletés (parfois) acquises dépassent évidemment le caractère anecdotique des exercices proposés : la "vidange" est perdue, mais on y aura trouvé un contenu cognitif qui est, lui, essentiel. Il faut veiller cependant à ce que la "bouteille" proposée ne soit pas tellement épouvantable ou ennuyeuse que la majorité des apprenants la rejettent, jetant ainsi, dans le même mouvement, ce contenu cognitif [11]. Il me reste à présent à aborder quelques types d'incidences possibles de l'ordinateur (et de toute la technologie qui l'accompagne) sur l'organisation même de l'école et sur le portrait de la profession d'enseignant. 5. L'ORDINATEUR-MIROIR L'intégration de l'ordinateur dans les pratiques pédagogiques ne peut faire l'économie d'une "réflexion" sur ces pratiques ; j'aurais pu écrire "réflexion" de ces pratiques, l'ordinateur tenant ici lieu de miroir. Qu'il s'agisse des questions que pose au théoricien de l'apprentissage la nécessité de mettre à plat et de modéliser - voire de formaliser - autant que possible les processus mis en jeu [12] ; qu'il s'agisse de l'enseignant qui s'interroge sur la manière d'inclure tel outil logiciel dans sa démarche [13] ; qu'il s'agisse enfin du didacticien que les possibilités des nouvelles technologies renvoient aux modalités d'enseignement de sa propre discipline [14] : la nécessité de repréciser, à la lumière de cet élément perturbateur, les contours de ses théories ou le sens de ses pratiques est l'une des constantes incontournables. Mon expérience m'a maintes fois montré que lors du déroulement du travail au sein d'un groupe d'enseignants avec l'objectif avoué de créer soit un outil logiciel soit encore un scénario d'utilisation, il y a toujours et longuement retour sur les diverses perceptions et expériences des participants à propos de la matière à enseigner et de son enseignement proprement dit. (cf. Duchâteau 92a, p. 20). Le monde de l'éducation n'échappe pas à cet effet habituel des projets d'informatisation : la nécessité de faire le portrait de l'existant et d'en prendre clairement conscience ; l'ordinateur (ou l'informatique) et la chasse aux flous et aux implicites à laquelle il oblige est un instrument à déplier et à mettre à plat "le réel". 6. L'ORDINATEUR-CIMENT L'ordinateur peut aussi être un formidable outil fédérateur ; j'irai plus loin : une introduction réussie des outils logiciels ou des didacticiels à l'école passe forcément par le partage et l'échange. 1. Dans ce "service public" que constitue l'école au sein de nos sociétés, il faut faire place à des secteurs nouveaux ; celui par exemple dont l'objet serait la création et l'expérimentation d'outils et de proposition de scénarios les mettant en œuvre. Des équipes d'enseignants pourraient y être partiellement détachées puisqu'il est vrai que c'est en équipe seulement que ce type de création est possible [15]. 2. Plus largement, au sein même de l'école, la nécessité de partager et de maîtriser des outils communs peut conduire à des échanges. Et puisqu'on peut rêver : pourquoi l'enseignement ne deviendrait-il pas une œuvre collective, les enseignants, en groupes ou en équipes, travaillant ensemble. De manière plus réaliste, le caractère ouvert et généraliste de certains outils logiciels plaide en tout cas pour une approche pluridisciplinaire. 3. Enfin, hors de l'école, on commence à voir apparaître des réseaux d'enseignants, agrégés ou rassemblés autour d'un outil commun et d'une démarche semblable (LOGO, CABRI, ELMO...). C'est alors qu'on constate également que les réseaux télématiques qui facilitent le partage sont vraiment exploités, puisque leurs utilisateurs ont des choses à se dire. 7. L'ORDINATEUR-LEVIER 1. Comme il est "occasion d'apprentissages" pour l'élève, l'ordinateur peut être "occasion de changements de rôles ou de stratégies" pour l'enseignant. J'ai souligné plus haut les rôles de guide, de complice, de co-explorateur. Il faudrait en ajouter beaucoup d'autres qui tous ont en commun de faire sortir l'enseignant de son rôle de "haut-parleur" ou "d'entonnoir à connaissances" pour ceux de "metteur en scène de scénarios pour apprendre", de "personne ressource" (celui qui est capable de fournir la connaissance quand elle est demandée), de "cartographe pour l'exploration de contrées du savoir" (ces contrées n'étant pas nécessairement bornées par les frontières artificielles entre disciplines) [16]... Ce n'est pas d'un enseignant attentiste que je parle ici : nous savons tous qu'il ne suffit pas de doter les élèves d'une baignoire pour qu'ils redécouvrent naturellement le principe d'Archimède et que les laisser aux prises avec une bibliothèque et une demande de comparaison des économies du Japon et des États-Unis risque bien de ne conduire ni à une réponse à cette question, ni même à une activité organisée et formatrice. L'accent placé sur l'activité de l'élève est tout le contraire de l'utopie de ces "pédagogies de la découverte", mal comprises et qui consistent à croire que, dans son cheminement d'apprentissage, l'élève aura forcément les éclairs de génie qui ont fait évoluer les connaissances de l'humanité tout entière. L'ordinateur n'est ici que l'un des leviers qui, planté dans les pratiques enseignantes, va peut-être contribuer à ces changements de perspectives et ces modifications de rôles. 2. Il n'y avait vraiment que Archimède pour croire qu'il lui suffirait d'un point d'appui (et d'un levier) pour soulever le monde. Quelles que soient les qualités potentielles des environnements informatisés, ce seront des hommes (et d'ailleurs, dans le monde éducatif, surtout des femmes, de bonne volonté, mais cela ne suffit pas) qui devront s'arc-bouter sur ce levier-informatique pour tenter de faire bouger l'institution scolaire, les enseignants qui s'y sont (parfois) endormis et les élèves qui (trop souvent) s'y ennuient [17].. L'ordinateur-levier ne doit pas devenir un ordinateur-alibi ou un ordinateur-rustine placé sur les failles de l'école pour en dissimuler l'étendue ou la profondeur. 8. CONCLUSIONS Depuis plus de dix ans, les discours sur le tandem "Informatique-Éducation" se succèdent. Petit à petit, sur le terrain des réalisations voient le jour. Il ne faut pas avoir une attitude trop impatiente ou une vision trop globale des problèmes et des réalités. Le monde éducatif est peut-être un univers où il vaut mieux travailler le plus souvent "tête baissée" en s'attelant à faire bouger les quelques "pierres" qu'on trouve autour de soi plutôt que de relever trop fréquemment la tête pour, désespéré, fixer les yeux sur l'énorme et pesante "montagne" qu'est l'institution scolaire. Si nous sommes nombreux à mouvoir ces petits cailloux, vous verrez que petit à petit la montagne donnera l'impression sinon de remuer, au moins de trembler quelque peu. Et si l'ordinateur n'est probablement pas un bulldozer, il est pourtant une bien jolie petite pelle... Charles DUCHÂTEAU 9. BIBLIOGRAPHIE Beaufils D. (1991) L'informatique en sciences physiques au lycée. Informatique et apprentissages, INRP, Paris, 1991, p. 47-57. Bertrand I. (1991) L'informatique pédagogique et l'apprentissage. Informatique et apprentissages, INRP, Paris, 1991, p. 17-27. Crosley K., Green L. (1990) Le design des didacticiels, ACL Éditions, Paris, 1990. Duchâteau C. (1990) Images pour programmer. De Boeck-Wesmael, Bruxelles, 1990. Duchâteau C. (1992a) L'ordinateur et l'école ! Un mariage difficile ? Publications du CeFIS, 5.28, Namur, 1992. Duchâteau C. (1992b) "Trois visages de l'EAO", Interface, n° 2/92. Juin 1992, p. 5-7. EPI (1992) Pour une culture générale en informatique à l'école, au collège et au lycée. Assemblée Générale de l'EPI, octobre 1992. Jaffard R. (1990) "L'EAO. Pourquoi ? Pour qui ? Par qui ? Comment ?", Interface, Revue de la SSPCI, 1, 1990, p. 35-38. Lafontaine D., Grisay A., Orban M. (1987) Enseignement et enseignants : mutations et perspectives à l'heure des nouvelles technologies. Laboratoire de Pédagogie Expérimentale, Université de Liège, 1987. Meirieu Ph. (1989) Enseigner, scénario pour un métier nouveau. Éditions ESF, Paris, 1989. OCDE (1989) Les technologies de l'information et l'éducation. Choisir les bons logiciels. CERI, OCDE, Paris, 1989. Vitale (1990) L'intégration de l'informatique à la pratique pédagogique. Vol. I, CRPP, Genève, 1990. Paru dans la Revue de l'EPI n° 74 de juin 1994. NOTES [1]. "La nature et l'ampleur des prestations et des fonctions demandées à l'école, se sont, en l'espace de vingt ans, considérablement modifiées. D'un point de vue purement quantitatif, l'école s'est trouvée confrontée à un raz-de-marée scolaire d'une ampleur inouïe. En Belgique entre 1950 et 1965, les effectifs totaux dans l'enseignement secondaire ont crû de 75 %, de 1970 à 1982, de 29,5 %. En France, de 1959 à 1985, les effectifs dans l'enseignement secondaire ont quadruplé /.../ on aura compris que l'école a dû faire face, et vite -souvent dans l'impréparation et dans l'urgence- à un afflux massif d'élèves "différents", différant en tout cas, de la clientèle scolaire habituelle..." (Lafontaine 87). [2]. "L'école offre à présent - malgré les efforts réitérés des innovateurs et les expériences partielles et limitées faites dans les écoles spéciales ou pilotes - un paysage dominé par la présence de connaissances notionnelles déjà constituées (connues dès le début par les seuls enseignants et lentement transmises aux élèves dans un processus pénible de socialisation de la connaissance) et par le découpage du savoir humain en disciplines aux frontières jalousement gardées par les spécialistes." (Vitale 90, p. 32) [3]. C'est sans doute le moment de rappeler que "l'ordinateur" n'existe pas et que ce qu'un utilisateur a toujours devant les yeux, c'est le tandem ordinateur + un logiciel particulier. Dans tous les propos qui vont suivre cette remarque importante doit être constamment présente à l'esprit. [4]. "Dans beaucoup de didacticiels, l'élève est traité comme une cruche (!) qu'il faut remplir. Certains concepteurs anticipent un élève passif, absorbant la connaissance et qui n'est jamais tenté d'éteindre la machine. Avec leurs logiciels, c'est l'ordinateur qui s'amuse." (Crossley 90, p 65). [5]. "Plus gravement pour les développement de l'informatique, cette conception n'est peut-être que l'avatar dans le champ de l'éducation de cette erreur générique : croire que la seule manière de reproduire une communication interpersonnelle entre un concepteur de logiciel interactif et un utilisateur impose au concepteur de faire en sorte que le logiciel simule une personne (et, par exemple, le concepteur lui-même). Pourtant la simple observation des utilisateurs de logiciels éducatifs dialoguant avec des systèmes informatiques, aurait pu fournir un indice précieux quant à la validité de cette exigence de similitude : aucun de ces utilisateurs ne déclare s'attendre ni ne réclame que la machine se conduise comme une personne." (E. Barchechath et S. Pouts-Lajus dans Crossley 90). [6]. C'est à dessein que le pluriel est employé : si l'ordinateur, comme je le rappelais plus haut, n'existe pas, la profusion des logiciels susceptibles de l'équiper donnent naissance à une foule d'outils différents. [7]. On excusera tous ces anthropomorphismes : comme j'ai coutume de le signaler, ils n'ont pas plus de sens que ceux qui nous feraient trouver notre bêche "courageuse" ou notre tondeuse à gazon "capricieuse"... [8]. "Savoir rechercher l'information, la traiter, communiquer, l'interpréter, apprendre par soi-même dans des activités de recherche individuelle et collective en manipulant des matériels récents sont autant de compétences qui doivent être progressivement acquises tout au long de la scolarité; l'utilisation raisonnée du traitement de texte, de banques de données ou de la simulation, constituent des pratiques qui permettent de les mettre en oeuvre." (EPI92). [9]. "... les élèves continuent à aller en cours pour écouter le maître et à rentrer chez eux pour faire leur travail seuls." (Meirieu 89, p 20) [10]. "vidanges perdues" est un belgicisme qui désigne les bouteilles ou emballages non consignés : ils sont sans valeur et peuvent être jetés après utilisation. [11]. "Il me semble que c'est là une des constantes de l'éducation : l'essentiel - on en a même fait un slogan - c'est d'apprendre à apprendre ; autrement dit, et pour rester dans la métaphore, l'important c'est le contenu, pas la bouteille. Le gros ennui, c'est qu'on ne peut accéder à des aptitudes et connaissances nouvelles qu'à travers l'un ou l'autre flacon. Le 'plus cognitif' ne se trouve pas en vrac, il n'est disponible que enclos dans l'une ou l'autre activité-prétexte. On peut apprendre à apprendre, mais d'abord en apprenant /.../ quelque chose. Ces bouteilles-alibi sont innombrables, certaines sont en train de devenir complètement obsolètes et inutiles, comme celle du calcul par exemple. L'arrivée des calculatrices a complètement déclassé les exercices calculatoires, qui restaient jusqu'ici légitimés par leur utilité, sinon leur nécessité. On perçoit bien le malaise sous-jacent à l'abandon pur et simple de la bouteille-calcul sans que des flacons nouveaux viennent prendre le relais, apportant des contenus cognitifs et méthodologiques similaires à ceux de la 'vidange' délaissée." (Duchâteau 92a). [12]. "Cependant, bien qu'il soit important de s'interroger sur la puissance de d'ordinateur qui parvient à se fondre dans la matière même dont l'homme bâtit sa propre image, il n'en est pas moins essentiel de constater que l'informatique contribue fortement - dans le domaine de l'apprentissage - à réactualiser des problèmes enfouis : qu'est ce qu'apprendre ? comment accéder à des notions mathématiques complexes de manière plus efficace ?... En cela, l'artifice informatique remplit pleinement son rôle puisqu'il oblige l'homme à s'interroger sur lui même." (Bertrand 91, p27) [13]. "Enfin, la présence de l'intrus (alias : ordinateur ou autre NTE) conduit l'enseignant : [14]. "Dans un certain nombre de cas en effet l'utilisation de l'ordinateur a été le révélateur d'insuffisances dans les savoirs ou les savoir-faire de ces disciplines." (Beaufils 91, p 48). [15]. "Il faut tout d'abord avoir du goût pour la création collective et le travail en équipe, parce que la conception de didacticiel requiert un travail collectif de création." (E. Barchechath et S. Pouts-Lajus dans Crossley 90, p. 10) [16]. "Déchargé des tâches de pure information, il [l'enseignant] pourrait se consacrer au traitement de celles-ci : il guiderait l'élève dans le maquis des documents de toutes sortes, l'aiderait à effectuer les choix pertinents et les exploitations efficaces, n'hésiterait pas à le renvoyer, quand cela serait nécessaire, aux ressources du milieu social, économique et culturel. Car il ne devrait pas craindre d'être dépossédé de son pouvoir, convaincu qu'il serait de troquer le rôle de distributeur contre celui de médiateur, de devenir le garant de l'assimilation et non plus le spectateur de l'incompréhension." (Meirieu 89, p. 18). [17]. "Si, comme je le crois, la programmation et d'autres formes éventuelles d'expérience informatique pourront jouer, dans le futur, un rôle de catalyseur dans l'invention de rapports nouveaux entre enseignants et élèves dans la classe, ce sera parce que tant les enseignants que les élèves auront acceptés de sortir de leurs rôles actuels trop figés, pour jouer un rôle plus ouvert : celui de la curiosité, de la découverte, de la recherche de pertinence dans la construction du savoir. Mais ce n'est pas la présence de l'ordinateur dans l'école, ni la connaissance de l'informatique, qui pourront seuls transformer le paysage scolaire. Dans une école figée, l'informatique entrera comme un domaine scolaire supplémentaire, abstrait et non pertinent comme les autres. Et d'autre part, l'échec ou la réussite d'un projet social d'école ouverte et intéressante ne pourront jamais être attribués à la seule présence de l'ordinateur." (Vitale 90) ___________________ |