ÉDITORIAL
 

     Pour ce qui concerne l'informatique, et les technologies associées dans l'enseignement général, la réforme des lycées proposée par Messieurs Jospin et Lang a consisté à supprimer un enseignement optionnel qui, malgré des imperfections qui pouvaient être corrigées, fonctionnait plutôt bien dans plus de la moitié des lycées.

     Il était prévu de le « remplacer » par des ateliers de pratique des technologies de l'information et de la communication sans objectifs précis ni programme, c'est-à-dire aux contours pour le moins incertains. Un texte de cadrage avait fini par paraître in extremis au B.O. n° 11 du 18 mars 93.

     La priorité au développement de l'informatique dans les différentes disciplines, proposée par le Conseil National des Programmes, n'a jamais été officiellement reprise et les programmes « rénovés » de la plupart des disciplines n'ont guère été prolixes sur le sujet.

     Dès que nous avons appris la création, par le nouveau Ministre de l'Éducation nationale, d'une commission sur la réforme des lycées, nous avons écrit à son président Monsieur G. Septours pour lui dire notre hostilité à la suppression de l'option informatique et demander à la commission de bien vouloir prendre en compte dans sa réflexion la dimension informatique. (cf. rubrique « Documents »). Nous avons adressé à la commission la proposition de l'Assemblée générale du 17 octobre 1992 d'un enseignement d'informatique pour tous les élèves de seconde. Nous avons reçu accusé réception de notre courrier ; la suite est en partie connue :

     Alors que les élèves de première pourront choisir des options de langues régionales, de latin, de grec et d'arts, ce qui est très bien, ils ne pourront suivre un enseignement optionnel d'informatique, science et technologie particulièrement prégnante - et souvent mal maîtrisée - dans la plupart des activités au sein de la société. Ils pourront néanmoins - dans l'état actuel de nos informations - participer à des ateliers de pratique des technologies de l'information et de la communication.

     Nous avons à nouveau écrit au Ministre le 10 mai (cf. rubrique « Documents ») pour lui faire part de notre inquiétude et rappeler nos propositions.

     Ayant lu attentivement son ouvrage « La décennie des mal-appris » (cf. Bulletin n° 69 p. 17-18), nous avons noté que Monsieur François Bayrou souhaite, comme nous, que le système éducatif fasse une place aux moyens nouveaux d'éducation et à l'innovation. Interrogé par l'un d'entre nous, lors de sa conférence de presse du 29 avril, sur l'absence de toute référence à l'informatique et aux technologies modernes dans son exposé, le Ministre a répondu qu'il n'était là que depuis trois semaines et que ce serait l'occasion de nous revoir.

     Faut-il comprendre qu'il s'exprimera sur le sujet dans une conférence de presse ultérieure ? Nous le souhaitons vivement.

     Sans méconnaître l'importance de la décentralisation, nous persistons à penser que l'informatique et les technologies associées ne se développeront de façon significative dans le système éducatif que si une politique globale est clairement définie. Toutes les opérations passées en témoignent.

     Ce n'est pas propre à la France. Le Japon, dans un plan de relance volontariste prévoit un enseignement de l'informatique au lycée ; le gouvernement fédéral des États-Unis d'Amérique lance un plan de câblage informatique à l'échelle du pays qui aura des retombées sur l'enseignement et la formation ; le ministère de l'Éducation du Québec prépare un plan d'action quinquennal en micro-informatique ; le ministère de l'Éducation Grec généralise l'enseignement de l'informatique, etc.

     Il ne faudrait pas que la France, pionnière depuis le début des années 70 (et même avant dans l'enseignement technique), se laisse distancer par les autres pays développés.

     L'expérience française dans le domaine de l'informatique pédagogique [1], comme dans celui de l'audiovisuel, et l'existence de compétences humaines importantes, peuvent permettre la relance d'une politique cohérente et globale.

     Comme le nouveau Ministre, nous avons le souci de préparer les élèves à leur avenir, aux métiers dont la collectivité aura besoin, nous souhaitons comme lui que les démarches innovantes soient reconnues et promues.

     Nous savons que les technologies modernes peuvent contribuer à résoudre des problèmes difficiles ; l'apprentissage de la lecture en est un. De façon générale, elles peuvent contribuer à améliorer l'acte d'apprendre et elles sont sources de motivations fortes.

     Le Ministre ayant proposé de restaurer la capacité d'indignation, nous nous permettons de nous indigner que l'informatique et le traitement moderne de l'information et de la communication n'aient pas leur juste place au lycée, dans l'intérêt des élèves de ce pays.

Jacques Lucy, Président
Jacques Baudé, Secrétaire général
Paris, le 21 mai 1993

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 70 de juin 1993.
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NOTE

[1] Selon l'EPI, qui est à l'origine de cette expression, il s'agit à la fois de l'utilisation de l'informatique dans les disciplines et de l'enseignement de l'informatique. Les deux démarches étant complémentaires.

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