ÉDITORIAL

Vous avez dit calculatrices ?

 

     En même temps que la déclaration « les ordinateurs au service du système éducatif » (cf. éditorial du Bulletin de l'EPI n° 68), le Conseil National des Programmes a rendu publique en octobre dernier une déclaration sur « le calcul et les calculatrices ». Nous avons publié les 5 propositions accompagnant cette déclaration en pages 58-60 du précédent Bulletin.

     Ce texte, essentiellement axé sur le calcul, a le mérite de souligner la situation actuelle « insoutenable », concernant l'usage des calculatrices dans les examens et concours, et de proposer une amorce de solution.

     Effectivement, la dernière réglementation en date repose sur la circulaire n° 86228 du 26 juillet 1986.

     « Toutes les calculatrices de poche, y compris les calculatrices programmables et alphanumériques sont autorisées à condition que leur fonctionnement soit autonome et qu'il ne soit pas fait usage d'imprimante. Afin de limiter les appareils à un format raisonnable, leur surface de base ne doit pas dépasser 21 cm de long et 15 cm de large. »

     Rien sur la taille mémoire, les mémoires additionnelles, les langages, le nombre d'appareils utilisés, les appareils « dépliables », leurs possibilités de liaison infra-rouge ou hertzienne... etc !

     Tout le monde sait que s'inscrivent actuellement dans les dimensions 21 x 15 cm toutes les calculettes (ou calculatrices quatre opérations), toutes les calculatrices scientifiques, agendas électroniques, dictionnaires, traducteurs, mini-lecteurs de cédéroms, micro-ordinateurs de poche, etc.

     La situation au niveau des examens et concours est intenable et beaucoup d'examinateurs, concepteurs de sujets et centres d'examen contournent la difficulté en interdisant tout moyen électronique. Ce n'est certainement pas la solution.

     Mais reprenons les choses au début, car l'opportunité de l'utilisation des aides électroniques (pas seulement les calculatrices, pas seulement dans le domaine scientifique) devrait être, en bonne logique, une conséquence de leur utilisation pertinente dans l'enseignement. Les examens et concours n'étant pas des fins en soi, mais validant des connaissances (savoir et savoir faire) acquises en amont.

     Une réflexion urgente s'impose donc sur l'opportunité d'utiliser ces aides électroniques : pour quelles acquisitions ? selon quelles démarches ? dans quelles parties des programmes ?..

     Que convient-il de faire avec elles ? (du calcul numérique, de la capture et du traitement de données, de la recherche de documents, de la correction orthographique...). Où faut-il s'arrêter ? (à quels niveaux de performances et de prix ?). Que convient-il de faire toujours sans elles ? Probablement, et pour longtemps encore, l'essentiel des activités intellectuelles !

     Ce serait, selon nous, le rôle des Groupes Techniques Disciplinaires que de faire un tel travail, pour peu qu'ils aient en leur sein des collègues compétents dans ce domaine ; ce n'est pas forcément le cas actuellement et devrait être corrigé très vite. Leurs travaux devraient être « transparents », c'est-à-dire soumis à la concertation permanente.

     Ensuite, se poserait naturellement l'opportunité d'utiliser ou non des aides électroniques au niveau des examens et concours.

     Selon toute vraisemblance, et compte tenu de l'urgence, il va falloir trouver des solutions transitoires dans la mesure où la majorité des élèves ont déjà intégré au moins la calculatrice dans leur pratique quotidienne.

     Le CNP donne la préférence aux épreuves en deux parties ; une première sans documents, la seconde « avec tous les moyens utilisés en formation » (voir proposition 4, Bulletin n° 68, p. 59).

     Ça peut sembler la moins mauvaise des solutions transitoires si l'on pense aux disciplines très portées sur l'utilisation des calculatrices. Est-ce forcément adapté à toutes les disciplines, notamment aux disciplines littéraires ?

     Il nous semble qu'une solution générale, systématique, n'est pas réaliste dans l'état actuel de la réflexion et de l'évolution des matériels et des esprits.

     Par contre, le Ministère se doit de mettre en place une structure constituée d'enseignants du terrain, de concepteurs d'épreuves, de responsables des examens et concours... susceptible de débloquer (même avec des solutions provisoires) une situation qui ne peut plus durer, et de faire des propositions à moyen et à plus long terme. De nouveaux textes réglementaires doivent être publiés d'urgence.

     Ce groupe d'experts devra également pratiquer la concertation, se tenir proche du terrain, des membres compétents des GTD, et tenir compte de l'évolution rapide des matériels. C'était déjà dans l'esprit du texte issu de l'Assemblée Générale EPI en 1990 quand il proposait la création d'une commission nationale permanente de veille technologique et de réflexion sur l'usage des matériels informatiques.

     En 1993, ça devient de plus en plus urgent. Conserver le statu quo conduirait à des situations catastrophiques.

Jacques Lucy, Président
Jacques Baudé, Secrétaire Général
Paris, le 5 mars 1993

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 69 de mars 1993.
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