INFORMATIQUE PÉDAGOGIQUE À la fin de sa dix-septième année, non sans quelque nostalgie du passé, l'association n'a pas manqué de s'interroger sur son identité. Il est hors de question de retracer ici la place de l'EPI dans le déploiement de l'informatique dans l'enseignement ; plus de 7 000 pages ont été publiées à des milliers d'exemplaires sans compter les interbulletins, les circulaires... Aucune association, aucun organisme, pas même la Section Informatique et Enseignement de l'INRP (qui a tant fait pendant plus d'une dizaine d'années) n'ont autant apporté. Il serait immodeste de vouloir apprécier la qualité d'un tel ensemble mais qui contestera que notre association – la première historiquement – n'est aussi première par l'expérience accumulée, les efforts de réflexion et de proposition, les activités déployés en faveur du développement de l'informatique et pour la qualité de l'enseignement ? Aussi, découvrir que l'on emprunte beaucoup à nos publications, oubliant souvent de nous citer, ne va pas sans nous procurer une satisfaction légère, teintée d'ironie, car ainsi se propagent nos idées et les concepts qui les expriment. Pour ne prendre qu'un exemple, arrêtons-nous au succès actuel de l'expression INFORMATIQUE PÉDAGOGIQUE qui fut lancée par l'EPI et longtemps contestée par d'autres. Cette expression trouve son sens dès la naissance de l'association (Éditorial du Bulletin n° 1 de 1971) ; notre attitude originelle, vis à vis de l'informatique, fut de rejeter tout dogmatisme et de refuser d'adhérer aux conceptions venues d'ailleurs : enseignement programmé et apprentissage par conditionnement, priorité à la transmission de connaissances, informatique étrangère et ordinateur machine à enseigner. La méfiance à l'égard de l'enseignement « assisté » rendra ainsi particulièrement discret le sigle E.A.O. dans nos textes d'orientation. L'EPI voit alors dans l'informatique un levier de transformation de l'enseignement, favorisant les décloisonnements des ordres et des disciplines, composante d'une future, nouvelle « culture générale », avec tous ses aspects (« de société » et, de manière inséparable, objet et moyen d'enseignement) ; les apports méthodologiques, formateurs en paraissent très prometteurs. Mais l'informatique n'est pas faite d'instruments neutres ; toute utilisation met en cause les pratiques comme les contenus pédagogiques eux-mêmes. Il est donc indispensable d'assimiler l'informatique importée pour l'intégrer au système éducatif, de tracer, de baliser des voies nouvelles. Cela ne peut aller sans efforts importants et soutenus de recherche, de formation, d'expérimentation. Ainsi, par exemple, à la suite des travaux pionniers de l'E.N.S. de Saint-Cloud, dès le début des années 70, études et expériences sont multipliées : modélisation et simulation, traitements de données, lexicologie, langages d'auteur... L'originalité de la démarche française s'affirme également dans le dispositif de formation et d'expérimentation anime par l'INRP. La prend son sens l'expression INFORMATIQUE PÉDAGOGIQUE FRANÇAISE que l'EPI utilise couramment à partir des années 80 quand toute équivoque entre informatique-moyen et informatique-objet d'enseignement a été levée par la création expérimentale de l'option des lycées que l'association suit de très près. C'est cette conception qui nous fait contester l'affirmation selon laquelle avec des matériels et des logiciels suffisants on peut rénover l'enseignement, qui nous fait dénoncer toutes les raisons « non pédagogiques » qui prévalent dans les opérations d'informatisation, qui nous fait insister, plus particulièrement aujourd'hui, sur les dangers graves du recul global des formations, sur la nocivité de la dévalorisation de ce qui reste de recherche et d'expérimentation... Qui osera affirmer que l'on a sensiblement avance dans les domaines pédagogiques de la simulation et des banques de données depuis les années 70 ? Alors que l'expression INFORMATIQUE PÉDAGOGIQUE se banalise, ne fallait-il pas rappeler la signification que lui ont donnée ses initiateurs ? Si l'on s'accorde sur cette signification, constatons qu'il nous reste encore beaucoup à faire pour que l'INFORMATIQUE PÉDAGOGIQUE FRANÇAISE réussisse et agissons en conséquence. Émilien PÉLISSET Paru dans le Bulletin de l'EPI n° 48 de décembre 1987. ___________________ |