=========================================================
ÉDITO
"l'école et la boîte aux lettres"
F. Jarraud
=========================================================
Le 28 novembre, le ministère de l'éducation nationale annonçait la signature d'un contrat avec La Poste pour la fourniture d'adresses électroniques aux écoliers et enseignants. A partir du 8 janvier 2001, ce sont 12 millions d'élèves de maternelle, du primaire, des collèges et des lycées, ainsi qu'un million d'enseignants qui ouvriront leur compte courrier. L'ensemble des inscriptions devrait s'étaler sur l'année 2001. Mais à la fin de cette année tous disposeront d'une adresse au format prenom.nom@laposte.net.
Cette décision a été diversement accueillie. Certains craignent, même si le contrat passé avec La Poste l'interdit sans ambiguïté, des récupérations commerciales ou politiques. Plus nombreux sont ceux qui remarquent que des millions de Français n'ont pas attendu le ministre pour utiliser les services des messageries gratuites. Ce contrat est-il sans intérêt ? Ce n'est pas sur.
D'abord parce que le courrier électronique est un excellent outil pour amener les élèves à améliorer leur expression écrite. L'arrivée de ces comptes courrier offrira un nouvel espace d'échange entre des enseignants et des élèves qui ont parfois du mal à s'entendre. Ces courriers permettront de contacter des personnes de la société civile et d'ancrer le travail scolaire dans son environnement social, culturel ou scientifique. Il ne fait aucun doute qu'Internet est d'abord un outil de communication et que le courrier électronique est la première utilisation du réseau.
Mais l'impact le plus important de cette mesure me paraît plus immédiat. L'application de cette mesure va se faire par établissement selon un protocole pédagogique et administratif précis. Si dans nombre d'établissements Internet n'avait pénétré que "par le haut" et touché qu'une petite partie du personnel administratif et enseignant et des élèves, voilà que tous, adultes comme jeunes, réfractaires comme enthousiastes, vont devoir entrer en contact avec le web et le mail dans le cadre scolaire. Et voilà que tous sauront qu'utiliser son courrier à l'école est recommandé par l'institution. Il faudra que les établissements mettent en place non seulement les moyens techniques de l'application de la décision mais aussi s'organisent pour faire place à Internet dans l'établissement. Certes ils sont nombreux à l'avoir déjà fait. Mais une affaire judiciaire récente nous rappelle que même les mieux équipés peuvent avoir du mal à banaliser cette pratique. En ce sens le suivi de la décision ministérielle sera particulièrement important. Car, par ses effets institutionnels, elle peut faire avancer l'intégration des TICE dans les établissements.
Certes nul besoin de La Poste pour avoir accès au mèl. Par contre il y a bien besoin d'un ministre pour faire entrer le mèl à l'école.
François Jarraud
http://www.education.gouv.fr/discours/2000/dposte.htm
http://www.education.gouv.fr/discours/2000/cposte.htm
http://www.education.gouv.fr/discours/2000/doposte.htm
=========================================================
ACTUALITÉS
François Jarraud
=========================================================
Le Salon de l'Éducation
- Discours de Jack Lang
Lors du colloque e-éducation, le ministre a prononcé, le 22 novembre, un discours attendu. Il met l'accent sur les usages de l'informatique ; l'enseignement de l'informatique n'étant pas une priorité même si "l'algorithmique est un mode de raisonnement de plus en plus présent dans notre société". Le ministre reconnaît l'importance de l'enseignement à distance et rappelle les efforts financiers de l'État pour le développer, mais assure que "les cours auront toujours lieu régulièrement". Un discours qui confirme les engagements de l'État en faveur de l'intégration des TIC dans le système éducatif mais avec une prudence certaine.
http://www.education.gouv.fr/discours/2000/e-educd.htm
- Michel Serres au colloque e-éducation
Le 22 novembre le colloque e-éducation s'est ouvert sur une remarquable conférence de Michel Serres. Analysant les coûts de formation entre les structures traditionnelles et l'enseignement avec les NTIC, il estime que les NTIC vont donner leur chance d'accéder à l'éducation aux populations démunies et aux pays pauvres. Il souligne la capacité d'ouverture sur le monde qu'apportent les NTIC. Elles permettent de construire une véritable culture universelle. Pour ces raisons les NTIC donnent les moyens et l'espoir d'une démocratie universelle. Michel Serres appelle à la mise en place pendant la première année d'université d'un programme d'enseignement universel ouvrant les cultures nationales sur le monde et éduquant les hommes à la paix. Pour lui, les NTIC permettent une nouvelle Renaissance et un nouvel Humanisme. Vous pouvez revivre ce chaud plaidoyer en vidéo.
http://212.73.221.134/e-Education/fr/page/accueil/accueilh.htm
- Autres conférences
De très nombreuses conférences étaient à l'ordre du jour du Salon. Edgar Morin a parlé des "sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur", thème qu'il avait abordé dans une publication de l'Unesco mentionnée dans un précédent EPI.Net. Albert Jaccard a rappelé la nécessité de l'esprit critique. Philippe Meirieu et Cécile Delannoy ont évoqué la place centrale de la motivation dans l'apprentissage. Ces conférences sont en ligne en vidéo.
http://www.lacinquieme.fr/actu/w00053/2/10825.cfm
- Matériels
Éditeurs et fabricants étaient nombreux au Salon. Parmi les matériels, le tableau électronique rencontre un succès certain. Il permet d'utiliser toutes les ressources de l'informatique (appel de documents, polices de caractères etc.) sur un tableau. C'est très impressionnant pour les élèves ou les parents d'élèves même si cela ne fait pas beaucoup évoluer la pédagogie ! Le stand du cartable électronique était assiégé d'enseignants curieux de voir des manuels de cours multimédia dans un outil électronique léger et agréable. L'académie de Lille montrait également "le pupitre du 21e siècle": une classe où chaque élève dispose d'un ordinateur qui peut être piloté par le professeur.
- Enseignement virtuel
A côté des éditeurs multimédia, de nombreux stands présentaient des services d'enseignement à distance : rue-des-ecoles, enseignants.com, studi.com, pour ne citer qu'eux, annonçaient un raz-de-marée de services éducatifs en ligne.
- Et des élèves réels
Tous les jours de nouvelles classes venaient présenter leur travaux. Parmi beaucoup d'autres, qu'il faudrait tous citer, j'ai le souvenir d'une remarquable démonstration faite par des lycéens de Toulouse liant leur TPE au projet international Mesoe et de collégiens d'Alfortville heureux de présenter leur ville sur internet. Alors je peux l'affirmer : oui les TICE peuvent éveiller l'intelligence de nos élèves et mobiliser les enseignants !
http://www.ac-creteil.fr/clglangevinalfv
http://www2.ac-toulouse.fr/mesoe/
- Sur notre stand
Le Salon a été l'occasion de rencontrer, sur notre stand ou ceux des académies, de nombreux collègues lecteurs d'EPI.Net. Ce n'est pas son moindre intérêt !
Information professionnelle
- Ouverture du portail education
A l'occasion du Salon de l'éducation, le ministère de l'éducation nationale a officiellement lancé le site " education.fr ". Il est appelé à devenir le portail de l'éducation pour les parents, les élèves et les enseignants.
http://www.education.fr
- Ouverture d'EduSCOL
Au même moment, le ministre lançait également "EduSCOL", le portail de l'enseignement primaire et secondaire. Le site est appelé à répondre aux demandes des parents et des enseignants de l'école au lycée et au lycée professionnel. En plein développement, EduSCOL propose déjà des ressources pour les TPE, les PPCP et l'innovation.
http://www.eduscol.education.fr
- Et EduClic
EduClic se veut un portail conçu spécialement pour les enseignants. Ils y trouveront plus de 500 000 documents et 7 000 ressources sélectionnées.
http://www.educlic.education.fr
- I-Prof
Présenté également au Salon de l'éducation, I-Prof offrira un bouquet de services aux enseignants. Chaque professeur disposera sur I-Prof d'un espace où il pourra gérer sa carrière, accéder à son dossier administratif, échanger avec son gestionnaire administratif et recevoir directement les directives officielles. On peut déjà avoir un exemple de cet outil de communication verticale à l'adresse ci- dessous. Mais I-Prof n'est qu'un élément du futur "bureau virtuel" des enseignants où chacun pourra également stocker des informations personnelles et échanger avec des collègues.
http://www.education.gouv.fr/personnel/iprof/accueil.htm
- Educnet
Avec "Biblio.tic" Educnet met en ligne une bibliographie actualisée sur les TICE. Le site diffuse également une intéressante revue de presse des TIC.
http://www.educnet.education.fr/documentation/biblio.htm
http://www.educnet.education.fr/actu/presse.htm
- Programmes
Le ministre a annoncé sa décision de renouveler les programmes qui "ne peuvent rester à l'écart des bouleversements technologiques qui ont profondément modifié les modes de communication et d'accès à l'information". Cela passe d'abord par la refonte du mode d'élaboration des programmes. Les GTD sont renouvelés et rebaptisés "groupes d'experts". Un groupe interdisciplinaire, un groupe chargé des nouveaux enseignements (TPE, travaux croisés) sont mis en place. Dans ces nouveaux groupes l'Inspection générale retrouve sa place traditionnelle. Le ministre insiste sur la nécessité de lier les programmes de l'école et du collège et d'assurer plus de cohérence dans ceux du lycée. Il souhaite développer une culture européenne.
http://www.education.gouv.fr/discours/2000/progdisc.htm
http://www.education.gouv.fr/discours/2000/progmenu.htm
- CEL
Les Contrats Éducatifs Locaux proposent de coordonner les activités des temps scolaire, périscolaire et extra scolaires et associent les élus locaux aux différents intervenants éducatifs, particulièrement les lycées. Les CEL pourront proposer des activités sportives et des programmes en matière d'apprentissage au multimédia et à l'image, d'initiation musicale ou aux sciences, d'éducation à l'environnement à la santé ou à l'architecture. Les activités doivent aider les jeunes à développer leur personnalité. Elles ne sauraient se substituer aux enseignements menés sur le temps scolaire.
http://www.education.gouv.fr/bo/2000/43/ensel.htm
- Brevet informatique
Le B.O. du 23 novembre définit le nouveau "Brevet Informatique et Internet (B2i)" à l'école et au collège. Chaque brevet a des ambitions assez élevées en terme de compétences. Ils seront mis en place progressivement dans les écoles mais seront délivrés en collège dès cette année scolaire.
http://www.education.gouv.fr/bo/2000/42/encart.htm
- Évaluation CE2
Le B.O. n°42 fait connaître le dispositif à mettre en place pour exploiter les résultats de l'évaluation nationale en CE2. Elle doit permettre la mise en place de "programmes personnalisés d'aide et de progrès".
http://www.education.gouv.fr/bo/2000/42/ensel.htm
- Bac
Le B.O. du 7 décembre publie les coefficients et durées de l'épreuve d'enseignement scientifique et de celles de LV2 ou langue ancienne au bac ES. Le tableau des épreuves du bac L est aussi modifié avec une épreuve "Lettres" coefficientée 2 (deux heures) et une épreuve "Littérature" coefficientée 4 (deux heures) ainsi que l'épreuve scientifique coefficientée 2 (1 heure). En série scientifique s'ajoute l'épreuve de LV2 (coefficient 2 durée 2 heures).
http://www.education.gouv.fr/bo/2000/44/ensel.htm
- BTS
Le B.O. hors-série du 23 novembre crée le BTS de Communication visuelle. Il rénove le BTS Comptabilité gestion.
Le B.O. du 7 décembre publie les "groupements de spécialité" de BTS pour l'évaluation en langue étrangère et en maths.
http://www.education.gouv.fr/bo/2000/hs11/som.htm
http://www.education.gouv.fr/bo/2000/44/sup.htm
- Concours
Les serveurs télématiques du ministère sont à nouveau ouverts pour les inscriptions aux concours de recrutement du second degré.
Le B.O. du 23 novembre a publié le calendrier des concours ainsi que les programmes des Capet interne et des PLP 2
http://www.education.gouv.fr/siac/siac2/defaultb.htm
http://www.education.gouv.fr/bo/2000/42/perso.htm
- Mutations
Le B.O. spécial du 30 novembre publie les dates et modalités des demandes de mutation.
http://www.education.gouv.fr/bo/2000/special15/som.htm
Actualité des TIC
- Soft qui peut
L'édition 2000 des journées "Soft qui peut" est d'une exceptionnelle richesse. Les 15 et 16 décembre, Poitiers accueillera de nombreux conférenciers à ses assises internationales "Comment évaluer l'apport des TIC à l'enseignement ?" ainsi que de nombreux stands d'acteurs éducatifs.
http://www.ac-poitiers.fr/soft2000/
- Rencontres Ecol'images
Pour la deuxième fois "Ecol'images" regroupera les enseignants intéressés à la vidéo scolaire.
http://perso.wanadoo.fr/ecolimages/
- Journée du logiciel libre pour l'éducation
Elle aura lieu du 24 au 27 janvier.
http://www.libresoftware-educ.org
- Scolaweb
Un groupe d'enseignants met en ligne des ressources et des liens sélectionnés. Un portail rustique mais efficace qui permet de trouver rapidement l'information pédagogique dont on a besoin.
http://www.scolaweb.com
- Bases de données
L'URFIST de Lyon a recensé les 583 bases de données gratuites accessibles sur Internet.
http://urfist.univ-lyon1.fr/gratuits/index.html
- Diffusion d'Internet
L'École normale supérieure est connue pour son atlas des migrations. Son site s'enrichit de cartes retraçant grâce à des animations la diffusion d'Internet en Europe de 1992 à 2000.
http://barthes.ens.fr/atelier/cartes/
- Noms de domaine gratuits
Pour populariser les nouveaux noms de domaine personnels (www.mon_nom.nom.fr), l'AFNIC les offre gratuitement ! Mais, attention, au-delà d'un an Carabosse se réveille : la facture de certains hébergeurs risque de vous faire regretter un instant de précipitation.
http://www.nic.fr/nom-fr/
- La loi
Les prestataires Internet ouvrent un site facilitant les démarches contre les sites pédophiles ou racistes. Le Journal du Net attire l'attention des internautes sur les conditions légales d'utilisation de liens internet.
http://www.pointdecontact.org
http://www.journaldunet.com/juridique/juridique.shtml
- Abbeville
Curieuse d'histoire que celle d'un collègue enseignant le français à Abbeville. Il est arrêté par la police en plein cours, son appartement est perquisitionné et il est retenu plusieurs heures par la police. Son crime ? Avoir donné à lire à ses élèves de troisième un livre, "Le grand cahier", d'Agota Kristof, un ouvrage figurant dans la liste officielle des romans retenus pour la classe de seconde. Finalement la plainte des parents est classée et aucune sanction n'est décidée par le rectorat. Mais il reste de cette histoire un traumatisme sérieux pour le collègue et une interrogation pour nous tous : comment peut-on être ainsi "embarqué" sans motif sérieux devant ses élèves comme un dangereux malfaiteur ?
Finalement l'honneur d'un prof ne pèse pas lourd.
http://www.liberation.fr/quotidien/semaine/20001128marx.html
- Vache folle
Une note interministérielle adressée aux recteurs rappelle les mesures prises par la France pour assurer la sécurité alimentaire. Elle précise que "si aucun retrait systématique de la viande de boeuf des plats servis dans les restaurants scolaires de l'enseignement secondaire n'est justifié par des avis scientifiques, il importe cependant d'être attentif aux demandes des parents ou des élèves". Le ministère de l'agriculture met en ligne des informations sur l'ESB. La Commission européenne rappelle les règlements européens en la matière.
http://www.education.gouv.fr/discours/2000/viande.htm
http://www.agriculture.gouv.fr/alim/sant/mala/cell-testESB/Esb/esb_1.htm
http://europa.eu.int/comm/food/fs/bse/bse19_fr.html
http://www.afssa.fr/ftp/actu/etude_pilote_11dec.doc
- Virus
Décembre voit refleurir les virus. Parmi ces "cadeaux" anticipés, W32.Prolin.Worm connaît une grande diffusion. Il s'agit d'un "vers" qui se reproduit via Outlook et le courrier électronique. Les messages ont comme sujet "A great Shockwave flash movie" et le ficher-joint infecteur se nomme "creative.exe". N'exécutez pas les messages ayant ces caractéristiques. Le virus détruit un certain nombre de fichier et laisse sur la racine un message "messageforu.txt" qui décrit les dégâts. Plus méchant, W32.Navidad se propage par le même canal avec comme sujet de message "Uses existing subject lines" et comme fichier joint "Navidad.exe". Là aussi n'exécutez pas le fichier "Navidad.exe". Il bloque l'exécution des programmes. W95.Hybris.gen est également un vers circulant par courrier électronique avec un fichier-joint au nom variable (dwarf4you.exe, enanoporno.exe, joke.exe etc.). Comment éviter ces virus ? La normalisation des outils internet favorise grandement la propagation des virus. Utilisez un outil de courrier différent d'Outlook. Eudora Light, par exemple, traite très bien le courrier et permet d'éviter les vers utilisant Outlook. D'une façon générale n'ouvrez pas les fichiers exécutables (extension .exe) ou *.PIF que vous recevez de façon inattendue.
http://www.symantec.com/avcenter/
http://ecoroute.uqcn.qc.ca/frq/eudora_aide/eud_aide.htm
=========================================================
PÉDAGOGIE
Qu'est-ce que le Web ?
Serge Pouts-Lajus
Observatoire des Technologies pour l'Éducation en Europe
=========================================================
Qu'est-ce que le Web ?
Qui n'a jamais lu ou entendu dire que le Web est une encyclopédie, immense et en perpétuelle évolution ? Cette image, imparfaite et infidèle comme le sont toutes les images, reste pourtant en nous et imprègne la représentation que nous avons du Web. Et même lorsque l'expérience nous fait prendre conscience de ses limites, l'analogie continue de nous marquer, comme une approximation acceptable ; nous la transmettons à nos élèves et à tous ceux, autour de nous, que nous aidons à faire leurs premiers pas sur Internet. L'objectif de cet article est de montrer que l'analogie encyclopédique est mauvaise parce qu'elle nourrit de fausses représentations et suggère des formes d'usage inadéquates. Elle devrait être abandonnée, en particulier par les pédagogues, au profit d'autres analogies qui traduisent mieux la réalité du Web et favorisent des usages appropriés.
Le Web n'est pas une encyclopédie !
Une encyclopédie est un objet édité, ayant une source unique et identifiée, des contenus organisés, validés, visant à couvrir, sans redondance, sans erreurs, de façon uniforme et cohérente, un champ défini de connaissances. Toutes qualités que le Web ne possède pas. La seule raison qui justifie leur rapprochement, c'est que le Web et l'encyclopédie sont tous deux des ensembles imposants de documents. Mais une poubelle à couvercle bleu remplie de vieux papiers est, elle aussi, un ensemble imposant de documents ; personne pourtant ne songe à en parler comme d'une encyclopédie...
N'étant pas une encyclopédie, le Web ne peut pas être une mauvaise encyclopédie. Le reproche, souvent formulé, est injuste et trompeur. Lorsque Daniel Schneidermann, explorateur estival du Web (Les folies d'Internet, Fayard), utilise un moteur de recherche pour rechercher des documents sur la Shoah, il voit venir à lui une majorité de documents d'inspiration négationniste. Il aurait dû savoir que ce n'est pas une bonne idée d'utiliser un moteur pour une recherche comme celle-ci. Il a assimilé le moteur de recherche à un index qui l'aiderait à consulter ce qu'il croyait être une encyclopédie ; mais dans cette encyclopédie, ce sont les négationnistes qui écrivent les articles sur la Shoah. De quoi s'inquiéter, en effet...
Mauvaise encyclopédie avec de mauvais index ; pourquoi donc irions-nous mettre entre les mains de nos élèves un outil de travail aussi médiocre et aussi dangereux ?
C'est que le Web n'est pas une encyclopédie et que les moteurs de recherche n'en sont pas les index. Rappelons qu'un index est exhaustif et se limite à des mots-clés choisis en fonction de leur pertinence relativement au thème dominant du document indexé. Or, les moteurs de recherche couvrent moins de la moitié du Web, de façon automatique et sans aucune pertinence vis-à-vis de son contenu.
Le Web est une rue
Pour parler du Web et se le représenter, la rue, le village, la place du marché sont de bonnes analogies parce qu'elles mettent l'accent sur une caractéristique essentielle du Web : c'est un endroit habité. On y rencontre des individus et des institutions, les mêmes que l'on croise dans la vie de tous les jours : hommes et femmes de tous les pays, entreprises, commerçants, organismes publics, écoles, clubs, etc. Mais dans la rue du Web, ces personnes et ces institutions se livrent, via leurs ordinateurs connectés sur le réseau Internet, à une activité particulière : ils s'offrent des documents qu'ils ont créés. Le Web est un espace consacré au don, à l'échange, à la mise en commun de documents.
La rue du Web est un espace encore sauvage. On y trouve, par exemple, beaucoup de sex-shops. C'est une particularité fâcheuse pour les enfants, les éducateurs et les parents. Des pourparlers sont en cours pour que ces habitants d'un genre spécial soient regroupés, comme ils le sont dans les vraies villes, dans un quartier qui leur serait réservé. En attendant, il faut s'en arranger. Heureusement, rien n'oblige celui qui n'est pas intéressé à consulter, malgré lui, les documents du pornographe.
Sur le Web, comme dans toute rue, ce qui compte d'abord, ce n'est pas ce qui est dit mais qui le dit : l'oublier, c'est faire comme Jeanne d'Arc, accorder foi à des voix sans corps. L'accès normal aux documents du Web passe par les personnes ou les institutions, concrètement par leur URL. Lorsque je cherche un document, je commence par demander conseil autour de moi ou aux habitants du Web que je connais. Je vais ensuite m'adresser à l'UNESCO, à Jean-Pierre dont le site m'a été recommandé par Hélène, aux Clionautes.
Les moteurs de recherche contrarient cet ordre naturel parce qu'ils fournissent une entrée directe par les documents, en ne me disant presque rien sur ce qui m'importe le plus : d'où viennent ces documents ? qui en sont les auteurs ?
Rechercher des documents sur le Web à partir d'une liste de mots- clés en exploitant un moteur de recherche est une activité risquée, difficile et présentant peu d'intérêt sur le plan pédagogique. De plus, elle renforce l'idée que le Web est un grand livre, ce qui conduit à de graves déconvenues. Pourquoi laisser les débutants s'aventurer seuls dans cette rue encore si peu civilisée ? Mieux vaut les emmener d'abord là où l'on sait qu'il y a quelque chose à voir, à lire, à apprendre ; et leur montrer ensuite que l'exploration du Web se fait toujours mieux par les habitants que l'on connaît que par les mots qui traînent.
L'éthique du Web
Les habitants du Web sont aussi divers que le sont ceux de la Terre. Mais ce qui les réunit tous sur le Web, c'est la pratique commune et intensive du don de document. Bien sûr, dans cet exercice, chacun a ses propres arrière-pensées. Pour les marchands, le don est la prémisse d'un échange commercial, le document donné, un prospectus ; pour les négationnistes, c'est un appât.
Tous les habitants du Web n'ont pas de telles arrières-pensées, mais tous en ont une. Le don n'y est jamais tout à fait gratuit : les institutions se font connaître, les individus s'exhibent. Mais cette arrière-pensée et la dette implicite qui l'accompagne, n'altèrent pas la nature profonde de l'échange : les pages Web restent des cadeaux que leurs auteurs font à ceux qui viennent les voir, n'exigeant d'eux aucune contre-partie immédiate. Cette caractéristique du Web, voulue par ses créateurs pour servir leurs buts, le développement de la recherche scientifique, explique son incroyable succès. Le don est une valeur universelle qui transcende les cultures.
Sur le Web, on peut se comporter de deux façons : soit comme un visiteur, preneur de documents ; soit comme un habitant, créateur et offreur de documents. Le preneur de documents, celui qui profite des dons qui lui sont faits, contracte une dette symbolique vis-à-vis de tous les habitants du Web. Il ne la remboursera qu'en devenant lui-même contributeur, en donnant. L'éthique du Web se tient dans cette règle simple : pour bien habiter le Web, il faut à la fois prendre et donner. En la respectant, on renforce le système. C'est pourquoi il faut toujours encourager les élèves, les enseignants et les écoles à créer des pages ; ce faisant, ils ne succombent à aucun suivisme mais, tout au contraire, se conforment à une règle morale essentielle. Sur le Web, la quantité est une qualité.
Serge Pouts-Lajus
Observatoire des Technologies pour l'Éducation en Europe
ote@worldnet.fr
Vos réactions : epinet@melusine.eu.org
=========================================================
PÉDAGOGIE
Une séquence TICE en Anglais
en BTS Force de vente
Pierre Privat
=========================================================
Le travail en BTS Force de Vente consiste à préparer les étudiants, en deux ans, à un examen oral qui conjugue capacité à s'exprimer en continu et capacité à argumenter (cf. notre page Epreuves du BTS-FV). Les étudiants suivent deux heures hebdomadaires de cours en classe complète, où ils acquièrent des bases lexicales et syntaxiques, et une heure en demi-groupes permettant de mettre en oeuvre ces acquis dans diverses situations d'expression orale.
Pour le professeur, il convient de proposer un maximum de documents actuels, authentiques, de caractère professionnel (commercial, en l'occurrence), offrant ainsi toutes les chances de motiver l'expression naturelle des étudiants dans un domaine d'études qu'ils ont choisi. L'internet offre pour cela des ressources précieuses.
Caractéristiques de la classe
Classe : Première Année de BTS Force de Vente (post-bac) - 18 étudiants de bonne volonté mais d'un niveau assez faible en anglais (à l'exception de quelques étudiants issus de section L), dont la faiblesse principale est le manque de bases solides, et, par conséquent, une forte réticence à s'exprimer à l'oral.
Thème de travail
Séquence d'apprentissage préparatoire à l'expression du conseil dans une situation professionnelle clairement identifiée (équipement de commerces) au moyen de documents authentiques obtenus préalablement via l'internet. Le thème choisi est le vol à l'étalage (Shoplifting), sujet permettant l'étude d'un phénomène de société actuel et de techniques commerciales, offrant également un intérêt certain pour de jeunes étudiants qui se destinent à faire partie d'équipes de vente.
Comme travail final, les étudiants devront confectionner un document (écrit au moyen d'un traitement de texte et/ou enregistré par leurs soins sur une cassette audio) destiné à présenter à des commerçants les principes et avantages de la protection contre le vol à l'étalage ainsi que quelques équipements adaptés. Outre la participation orale en classe, l'évaluation portera sur ce document (évaluation de la compréhension ainsi que de l'expression orales et écrites).
Principe de travail
Le thème sera introduit par une courte séquence vidéo présentant un reportage sur l'augmentation inquiétante et les conséquences économiques du vol à l'étalage au Royaume-Uni. Puis, il s'agira avant tout d'inciter les étudiants à la participation orale, en utilisant le principe du déficit d'information (information gap) : on ne communique réellement que si l'on a quelque chose à dire ou à demander. Initialement, les étudiants travailleront donc individuellement sur des documents différents et contrastés, ce qui signifie qu'ils n'auront pas tous les mêmes informations au départ, le travail consistant ensuite à échanger oralement les informations indispensables pour la confection du travail final commun (cf. ci- dessus).
Compétences mises en œuvre
Compréhension écrite et orale :
L'étudiant devra être capable de repérer les informations essentielles d'un document
Production écrite et orale :
Compétences de communication (reformulation, explication, improvisation, réactions etc.)
Matériel
Ordinateur et connexion à l'internet pour la recherche de documents authentiques.
Traitement de texte et imprimante pour la mise en forme et le tirage des documents trouvés, ainsi que pour la confection de transparents appropriés.
Poste vidéo (TV-Sat) pour la recherche et la diffusion de documents utiles.
Rétroprojecteur et transparents pour l'aide à l'expression orale.
Travail préparatoire du professeur
1. Recherche de documents authentiques sur l'internet.
Utilisation de moteurs de recherche (www.altavista.com ou www.yahoo.com par exemple) avec comme mot-clé "shoplifting".
Récupération des documents trouvés via un traitement de texte (copier/coller) et mise en forme.
Les documents, choisis pour leur diversité de ton et de contenu, sont tirés de trois sites différents (The S(h)elf Help Guide, Theft Talk Counseling Service Inc., The Art of Shoplifting) et découpés de sorte à former un nombre d'ensembles cohérents de longueur raisonnable, tout en respectant l'authenticité originale, correspondant au nombre d'étudiants de la classe.
Pour le travail final, recherche de descriptifs, de fiches techniques ou de publicités de matériels de protection contre le vol à l'étalage (comportant autant que possible des illustrations et des caractéristiques, prix, etc.) et confection d'un document synthétique pouvant inciter à la production demandée.
2. Recherche de documents authentiques par la TV relayée par satellite.
Enregistrement d'une courte séquence (SkyNews - 3'20) sur le thème choisi.(Cf notre page TV-Sat sur le serveur du Rectorat de l'Académie de Toulouse http://www.ac-toulouse.fr/anglais/).
3. Confection de fiches de compréhension des documents
Utilisation d'un traitement de texte pour confectionner des "fiches de compréhension" des documents. Les étudiants disposent d'une fiche comportant quelques indications de lexique et/ou de civilisation (pour les points particulièrement difficiles à élucider en autonomie). On peut également y adjoindre quelques exercices de reformulation permettant d'associer compréhension et diversification des moyens d'expression. Par ailleurs, ces étudiants utilisent une fiche-type les guidant tout au long de leurs études d'anglais en BTS dans la méthodologie de découverte rapide de documents inconnus.
4. Confection de transparents pour rétroprojecteur
Utilisation d'un traitement de texte pour confectionner quelques transparents d'aide à l'expression orale recensant des structures ainsi que des marques d'enchaînement du discours et de prise de position personnelle.
Mise en oeuvre de la séquence
Durée totale prévue : 4 à 5 séances
Phase 1 : Sensibilisation au thème (1 séance)
Supports et matériels :
Cassette vidéo (SkyNews - 3'20") - Poste vidéo grand écran.
Les étudiants visionnent la séquence vidéo. On élucide le contenu et on établit clairement le sujet et les arguments développés. Puis, on se livre à un "brainstorming" sur le thème présenté : les étudiants disent ce qu'ils savent du sujet, émettent des avis, des hypothèses, et commencent à imaginer l'impact de ce thème sur le domaine d'études qu'ils ont choisi (commerce). On recense également en commun les champs lexicaux qui seront nécessaires aux débats. C'est l'occasion de mettre déjà en place des structures et du vocabulaire utiles. On peut utiliser ici un logiciel exerciseur, par exemple Text Handler, pour travailler sur le script de la vidéo ou sur tout autre document annexe utile.
Travail donné : exercices portant sur les structures et le vocabulaire vus lors de la séance.
Phase 2 : Découverte des documents (1 séance)
Supports et matériels : documents confectionnés à partir de l'internet, fiche-guide de découverte d'un document inconnu, fiches de compréhension des documents, dictionnaires. Chaque étudiant reçoit un document différent avec mission de le découvrir, de le comprendre et de remplir la fiche correspondante (cf. ci-dessus) pour en rendre compte à toute la classe. Il est important de prévoir des documents de natures variées et dont les contenus sont contrastés (provenances, présentations, points de vue différents) afin de maintenir l'intérêt et de susciter des réactions variées. Ce travail peut se faire soit en individuel soit en petits groupes (2 à 3) en fonction de l'effectif total de la classe. Les étudiants disposent dans la salle d'ouvrages de référence (dictionnaires) et le professeur se déplace à la demande pour aider à élucider un point particulier. (NB : un point intéressant l'ensemble de la classe sera éventuellement traitée collectivement).
Travail donné : fiche de compréhension, acquisition de vocabulaire complémentaire.
Phase 3 : Mise en commun des informations (1 ou 2 séances)
Supports et matériels : documents confectionnés à partir de l'internet, fiche-guide de découverte d'un document inconnu, fiches de compréhension des documents, dictionnaires, transparents d'aide à l'oral, rétroprojecteur, document confectionné pour le travail final. Chaque étudiant expose brièvement le contenu de son document à toute la classe, et les autres étudiants prennent des notes et demandent des éclaircissements en cas de besoin. Le professeur utilise le tableau pour noter, sous la direction de l'étudiant, les idées principales (trace écrite et entraînement à la prise de notes). Si le travail se fait en petit groupes, il convient de veiller à ce que chaque membre du groupe s'exprime sur le document étudié. Le but de ce travail est de susciter la participation de chaque étudiant et de permettre à tous de disposer des mêmes informations bien établies en vue du travail final. A ce stade, les étudiants possèdent assez d'informations et de moyens langagiers pour pouvoir émettre un avis personnel sur la question (ils le font souvent spontanément, sans que cela nécessite une forte sollicitation de la part du professeur, surtout si certains documents comportent des points de vue "provocateurs"...).
Travail donné : Travail final (Rédiger/Enregistrer sur k7 un argumentaire permettant de présenter à un commerçant les avantages de la protection contre le vol à l'étalage ainsi que quelques équipements adaptés : "Explain to a shopkeeper the cost of shoplifting, why it is difficult to prevent it and how your products can help him".)
Phase 4 : Correction et exploitation des travaux (1 séance)
Supports et matériels : devoirs corrigés, notes prises dans les séances précédentes. Chaque étudiant reçoit la correction de son travail. Puis, comme mise en pratique, les étudiants sont invités à travailler oralement en "pairwork", l'un étant le vendeur l'autre le commerçant acheteur éventuel, sous contrôle du professeur (préparation à l'épreuve de sketch de vente de l'examen)
Bilan
Dans le principe, chaque étudiant est responsable d'une tâche devant profiter à l'ensemble du groupe en vue de la bonne exécution d'un travail final concret, et la classe a besoin de la contribution de chacun pour pouvoir mener à bien ce travail. La situation de communication est donc la plus authentique possible, et la motivation des étudiants s'en trouve renforcée.
"De fait, le pari est en grande partie tenu puisque chacun s'exprimera dans une langue qui, à défaut d'être canonique, sert véritablement à établir une communication orale (...). Ce qui est intéressant, au-delà du nécessaire travail d'entraînement à l'écoute et à la lecture, c'est la démarche consistant à fournir des sources différenciées auxquelles l'étudiant est amené à puiser, tant sur le plan des contenus que sur celui des formes linguistiques qui lui sont associées (...). Le principe est excellent (...). Les effets sont incontestablement positifs : les étudiants s'expriment certes avec des degrés de réussite variables, mais manifestement ils s'efforcent d'argumenter et d'enchaîner ainsi des énoncés complexes, ce qui naturellement les rapproche de l'objectif de l'épreuve de l'examen."
(M. Alain JAMBIN, IA-IPR, - Rapport d'inspection - mai 2000).
Pierre PRIVAT privat@ac-toulouse.fr
Professeur d'anglais au Lycée Borde-Basse (Castres - 81)
Interlocuteur disciplinaire académique TICE Langues
Responsable de GRF sur les Espaces-Langues
Vos réactions : epinet@melusine.eu.org
=========================================================
APPEL À CONTRIBUTION
=========================================================
Depuis quelques mois, la collection Objectif MultiMédia propose aux enseignants des livres accompagnés d'un cédérom. Il s'agit d'ouvrages d'aide au travail du professeur pour ses cours, indiquant des usages possibles de l'informatique.
Deux titres existent déjà :
Enseignement des lettres et Multimédia, Douze séquences pour les lycées, de Bernadette Goarant (paru en collection 36, à paraître en réédition dans la collection Objectif MultiMédia) ;
Chimie et Multimédia, Des cours aux TPE en passant par l'EXAO, de Janine Gauche.
Sont à paraître prochainement :
Lettres et multimédia, séquences pour le collège, de Serge Archimbaud et Alexandra Lamoure ;
Le renard dans l'ordinateur, Petits logiciels et enseignement du français, de Roger Berthet ;
Géométrie avec Cabri, Scénarios pour le lycée, de Philippe Clarou, Colette Laborde, Bernard Capponi
Apprentissage des langues et Multimédia, de Micheline Herino et Jean-Yves Petitgirard.
Pour la suite, il faudrait d'autres titres, dans toutes les disciplines.
Si vous souhaitez devenir auteur dans la collection, merci d'adresser votre proposition à
Bernadette Goarant
Directrice de la collection Objectif MultiMédia
11 boulevard Agutte Sembat
38000 Grenoble
ou par mél à
Bernadette.Goarant@ac-grenoble.fr
=========================================================
BIBLIOGRAPHIE
Des outils pour les lettres.
Français, langues anciennes
Dossiers de l'Ingénieurie éducative
n° 32, octobre 2000, CNDP
=========================================================
Les enseignants connaissent bien la collection des "Dossiers de l'ingénieurie éducative" du CNDP. Le numéro 35 concerne les enseignants de français et de langues anciennes.
Dans une première partie sont regroupés des articles généralistes sur les apports des TICE à l'enseignement du français. Jacques Anis (Paris X) souligne l'intérêt pédagogique du traitement de texte : activité de l'élève, dématérialisation du texte qui devient manipulable, déculpabilisation par la multiplication des essais, distanciation par rapport au texte affiché. Il donne des exemples d'utilisation depuis la maternelle au collège et rappelle la réflexion didactique sur cet outil. Pour Hélène Godinet (IUFM Grenoble) l'hypertexte est encore peu utilisé pour l'enseignement du français. C'est que sa production suppose une nouvelle démarche pédagogique basée sur l'échange et le travail collaboratif. Analysant le phénomène "e-book", Jean Clément pense que "le livre électronique n'est que l'ultime avatar du livre. Loin de constituer une avancée vers le futur, il est le dernier signe de notre attachement nostalgique à un objet désormais menacé de disparition". Claude Blum (Paris IV) montre cependant l'intérêt d'une édition électronique de qualité : sa version du Père Goriot donne accès au manuscrit original et donc au travail de l'écrivain, aux variantes du texte ainsi qu'à un appareil critique.
La seconde partie des "Dossiers" s'ouvre sur un article d'Hélène Waysbord, IG, qui introduit aux applications des TICE en français et en décrit les bénéfices : individualisation des apprentissages, partage des expériences, ouverture culturelle. Elle n'hésite pas à poser également les difficultés : "comment articuler le temps scolaire et la navigation internet qui implique des tâtonnements, des explorations ?" On retrouve dans cette partie les noms des pionniers d'Internet qui apparaissent régulièrement dans les colonnes d'EPI.Net. Chantal Bertagna fait part de son expérience en collège : "ce type de travail impose d'expliciter la démarche, de fournir des documents d'accompagnement." Jacques Julien présente un apport important des TICE à travers l'analyse lexicométrique des Fleurs bleues de Queneau. Un autre exemple est donné par Danielle Girard qui a réalisé une base de données pour l'étude de l'argumentation. Jean Hamez rend compte d'une année de travail avec des élèves en difficulté à l'aide de logiciels de remédiation : le pourcentage de mots bien orthographiés est passé de 65 à 90%.
La troisième partie du dossier me pose problème : comment traduire "e-mail" en latin et "web" en grec ? Je ne sais si nos collègues ont une solution mais ils savent ranimer les langues anciennes voire le célèbre mammouth. Jacques Julien décrit une correspondance électronique entre classes transatlantiques où le latin retrouve son statut de langue de communication et peut se plier aux remarques ironiques des élèves. Pierrette Lascaux enseigne le grec ancien à distance : lors de séquences régulières, les élèves et le professeur communiquent visuellement et peuvent partager un travail. Entre les séquences, les devoirs et exercices circulent par mél en s'appuyant sur des ressources partagées. Le professeur, au bout de deux années d'expérience trouve que cette méthode "accroît l'autonomie (des élèves) et développe leur sens de la responsabilité". La distance améliore les rapports profs- élèves et la méthode plait aux élèves au point qu'il est question de l'étendre aux cours "normaux".
Le dossier propose encore bien d'autres pratiques pédagogiques que nous vous laissons découvrir. Sans être exhaustif, le champ couvert est très large. Nos collègues savent allier innovation et respect des objectifs d'une discipline traditionnelle, sérieux et esprit pionnier. Un numéro agréable que nous conseillons aux enseignants de français.
Des outils pour les lettres. Français, langues anciennes.
Dossiers de l'Ingénieurie éducative n°32, octobre 2000, CNDP, 35 F
François Jarraud
Vos réactions : epinet@melusine.eu.org
=========================================================
LE TOUR DE FRANCE
DES PRATIQUES PÉDAGOGIQUES
À Rennes, Bernard Jay
=========================================================
Comme bien d'autres participants à cette chronique, Bernard Jay a un parcours original. A 43 ans il commence une nouvelle vie de certifié, après des années comme instituteur et maître-formateur à l'IUFM de Rennes. Ajoutons qu'il est également un choriste expérimenté et que l'on retrouve tous ces aspects de sa personnalité sur son site.
- Qu'offre votre site ?
- D'abord des mémoires et dossiers divers rédigés au cours de mes études partant du principe qu'ils étaient mieux à disposition sur un site qu'à prendre la poussière sur une étagère. Ce sont des travaux qui - toute modestie mise à part - ont obtenu de très bonnes notes. Ils traitent de questions littéraires mais aussi de problèmes didactiques de l'école élémentaire. Par contre je ne mettrai pas en ligne mon mémoire de DEA (intitulé "Savoirs, modèles et représentation en production de récit de fiction, chez des enfants de cours moyen") car il va être publié par des modes traditionnels. L'intention est ici de faire bénéficier l'internaute de passage du produit d'une réflexion qui peut l'accompagner dans son travail s'il est enseignant, ou étudiant.
Ensuite j'ai mis en ligne des séquences de classe. Pour deux raisons. La première encore une fois mettre à disposition des acquis personnels, qui permettront à d'autres de se les approprier pour les améliorer, les transformer, les détourner, bref en faire leur pratique. La seconde, c'est un retour d'ascenseur. Quand j'ai préparé le capes et l'agrégation, j'ai été très heureux, moi qui enseignait à l'école primaire, de trouver sur des sites de collègues, des descriptions de séquences, qui m'ont permis de me familiariser avec les pratiques du lycée et de pouvoir préparer les épreuves de didactique des concours. Aujourd'hui, ces visites me permettent de construire mes séquences plus vite, et bien mieux que je ne l'aurais fait seul, parce que je m'appuie sur l'expérience de collègues.
Ayant assuré une tâche de formateur de professeurs des écoles à l'UIFM de Rennes, j'ai décidé également de mettre à disposition quelques éléments qui pouvaient être utiles à des collègues formateurs mais aussi à des étudiants IUFM ou des professeurs des écoles stagiaires.
- Pourquoi avoir créé votre site ?
- Ce projet est né par hasard : j'ai découvert qu'on peut créer un site web même quand on ne connaît strictement rien à l'HTML. Mon intérêt premier était de communiquer et d'échanger. Un site c'est aussi un outil d'échange. Un lieu de rencontre, de débat. Il se matérialise par l'échange de liens, de méls. C'est le sentiment de faire partie d'une communauté.
- Vous voulez dire que créer un site est facile ?
- Je dois avouer que j'ai construit mon site avec rien : Word 97 et FTP Expert. Le premier me permet de convertir mes pages de traitement de textes en fichiers html, le second de transférer les pages web ainsi créées sur l'espace réservé par mon fournisseur d'accès Internet. Jusqu'à présent je n'ai pas rencontré de problèmes que je ne savais pas résoudre, et ceux que j'ai rencontrés étaient mineurs. La sobriété de mon site limite les problèmes. La contrepartie c'est qu'il n'est pas aussi communiquant et facile à naviguer que je le souhaite ou l'imagine. J'ai été tenté de travailler à partir d'un logiciel plus adapté, mais je préfère ajouter de nouvelles pages, et j'ai pas trop envie de tout recommencer.
- Quelles nouvelles pages verra-t-on bientôt sur votre site ?
- J'ai encore beaucoup de choses à ajouter sur mon site. Surtout en ce qui concerne l'école élémentaire, j'ai des séquences de français (c'est la discipline que je crois savoir le mieux enseigner) en attente. Je place au fur et à mesure mes séquences de lycée. A l'avenir, j'aimerai qu'il soit un lieu d'aide aussi pour les élèves (y compris les miens) pour retrouver ou prolonger des travaux faits en cours. Pour moi un site c'est comme un bibliothèque qui serait toujours ouverte et où l'on peut emprunter les livres sans limites ni retenue. Bien sûr on perd la paternité de ce qu'on fait, puisque d'autres peuvent se l'approprier et le faire leur, mais c'est plutôt le signe qu'on a bien fait de le mettre à disposition et que ça a l'air d'en valoir la peine.
- Une question plus personnelle : vous avez été instituteur. Pensez vous que cela influence votre pratique pédagogique en lycée ? Particulièrement pour les TICE ?
- Mon passé d'instit influence beaucoup ma pratique d'aujourd'hui au lycée.
D'abord dans le rapport aux élèves : un souci plus grand de l'individu, de son histoire, de son parcours. Une recherche d'une participation plus active de l'élève : travaux de groupes, activités de recherche. Je crois aussi une autre façon de penser les séquences en termes de compétences et de savoirs, et d'activités. Au primaire une bonne séquence c'est celle où l'élève a trouvé lui- même ce qu'on voulait lui faire découvrir. C'est avec cet état d'esprit que je travaille au lycée.
Pour ce qui est des TICE je ne suis pas une référence ! Dans les écoles où j'ai travaillé l'équipement était soit inexistant soit obsolète. A part l'usage du traitement de texte et d'une petite PAO, je n'ai jamais eu les moyens de faire grand chose avec des élèves. Par contre le lycée où je travaille est moderne et très bien équipé, je n'ai donc aucune raison de ne pas en profiter.
bjay@club-internet.fr
http://perso.club-internet.fr/bjay
Vos réactions : epinet@melusine.eu.org
(fin de la première partie)
Prochain numéro le 8 janvier 2001.
===============================================
Pour vous abonner à EPI.Net
Envoyez un mèl à courrier@epi.asso.fr avec dans le texte :
"Je souhaite m'abonner à EPI.Net en version accentuée (version par défaut) ou non-accentuée"
===============================================
Rédacteur en chef : François Jarraud
S.V.T. et Physique-Chimie : Jacques Baudé
Lettres anciennes et Français : Jacques Julien
Maths : Pascale Lambert-Charreteur
Espagnol : Fanny Lascroux
Enseignement primaire : Pierre-Marie Lasseron
Langues : Christine Reymond
Documentation : Franck Sauvage
Technologie : Norbert Troufflard
===============================================
EPI.Net, le magazine électronique de l'E.P.I.
http://www.epi.asso.fr - Mél : courrier@epi.asso.fr
---------------------------------------------------------------------------
(c) copyright E.P.I. Décembre 2000
Reproduction autorisée pour les enseignants dans le cadre de leurs activités professionnelles et à des fins éducatives, sous réserve de mentionner la source.
Toute autre reproduction est soumise à autorisation.
Suite de EPI.Net n° 38 : les bonnes adresses de l'EPI
ou
retour au sommaire
__________________
(18/12/00)
|